• Tour du Pérou, tour de soi-même ! (2/5)

    13/04

    Chota. Arriver dans une ville où chaque personne que vous croisez vous regarde comme un extraterrestre tombé de son vaisseau, évidemment, n’a rien de très agréable. On pourrait croire que les routards sont rodés à ce genre de choses, qu’ils passent bien vite au-dessus avec un petit sourire amusé. Eh bien les autres, je ne sais pas, mais moi, non. Les vieux qui lorgnent sans complexe, les ados qui chuchotent et éclatent de rire, les autres qui tournent la tête plusieurs fois pour vérifier leur vision… Ben ouais, c’est bien un gringo qui marche dans tes rues, Machin. Mais il ne va pas y marcher longtemps si on lui fait sentir si intensément qu’il est ici pas-chez-lui, vois-tu.

    Ça et les fausses indications quand je demande mon chemin… « C’est un peu plus par là-bas », qu’ils disaient. Sûr que pour le coup, j’ai bien visité la ville, bien vu toutes les rues, pas de doute ! Et le type qui veut me faire payer plein tarif alors que je descends à mi-chemin… Bref, on n’est pas le bienvenu à Chota, autant le savoir. Heureusement, il y a eu cet autre gars, la soixantaine, moustache par-dessus la bouche, regard pétillant, vendeur de sucreries dans un coin de la place centrale. Lui, oui, vraiment accueillant, et gentil, juste gentil. On a un peu parlé, et à 2 ou 3 reprises il m’a donné des infos que je ne savais plus où demander. Les optimistes diront que c’est lui qu’il faudra retenir de Chota. Moi, je me contenterai de souligner qu’il était là et heureusement !

     

    14/04

    Cutervo. J’ai dormi dans un de ces hôtels, mes amis… Ajoutez des fenêtres, ça fait une prison ! Je ne sais pas ce qui m’a pris de prendre ça. Ah, si, je sais : j’ai payé avant de voir la chambre. Une erreur que je ne reproduirai plus, case cochée d’avance ! 4 murs gris, un lit, une chaise, point final. Même pas une table ! C’est-à-dire que quand tu rentres, tu ne sais même pas où poser tes clefs, ton téléphone ou quoi que ce soit… Toilettes et douches collectives, soit une pièce de 1,5x1,5m pour tout l’étage avec un chiotte, une douche, un lavabo type schtroumpf à talons. De toute façon, comme ils ne vous donnent ni savon, ni serviette, ni PQ, vous n’avez aucun raison de vous y attarder, c’est plus simple comme ça. Là où ils sont généreux, par contre, c’est sur l’odeur. Alors là, oui, tout le monde profite, c’est inclus dans le prix, comme qui dirait « all inclusive », le grand déballage. Vous repartez avec un odorat remanié, c’est de la chirurgie alternative, une autre manière de se faire refaire le nez, quoi.

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (2/4)

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (2/4)

    Ca a l'air à peu près lumineux, ne vous y trompez pas, c'est le flash de l'appareil photo !

     

    Du coup, je vous laisse visualiser mon humeur au réveil… Pas fameuse, non. Fumeuse, plutôt. Heureusement, le petit-déjeuner du marché (un jus de fruit maison, un café, un bon morceau de pain avec du fromage : 2,50 soles, soit 0,70€, je ne m’en lasserai pas !) me remet droit sur mes pattes, et je décide de changer immédiatement d’hôtel avant qu’ils engagent un maton. Je sais, il est même pas 9h du matin, mais c’est comme ça. 20 minutes plus tard, je suis à l’hôtel d’en face, dans une chambre à 25 soles au lieu de 15, mais qui a le mérite d’évoquer davantage un logement de passage qu’une cellule de Fresnes, ce qui n’est pas complètement sans importance.

    Par chance, le type de l’hôtel n’a pas juste des chambres sympas, mais aussi un peu plus de conversation que les autres gens à qui j’ai parlé jusqu’ici. Ainsi, lorsque je demande des conseils sur quoi visiter et où me promener dans le coin, il ne se contente pas de régler la question par un « oh, par ici, pas grand-chose » pourtant très à la mode. Non, lui, probablement sur un éclair de génie, prend la folle initiative d’ajouter : « il faut sortir un peu de la ville ». Ah ! C’était donc ça la subtilité ! On est forcé d’admettre que les autres n’avaient définitivement aucune envie de m’aider ! S’ensuit une conversation principalement menée par ma curiosité, et qui m’emmènera passer la journée à Sócota, marcher un peu en montagne.

    Ce que je retiens de Sócota est un peu rassurant quant à la manière dont les étrangers sont accueillis ici. Rien à voir avec Cutervo ou Chota. A peine descendu de voiture, on me demande où je veux aller, certes pour me proposer des moto-taxis, mais aussi pour m’indiquer vers où me balader. Et une fois en montagne, tout le monde me salue en souriant, voire me pose des questions, du simple « comment ça va ? » aux « tu viens d’où ? », « tu vas où ? » etc. Eh bien moi, à ce moment-là, je peux vous dire que je prends un vrai bol d’air ! Physique comme moral !

    Au bout d’une heure de marche, une moto s’arrête à côté de moi, le type veut me parler, mais le ton est plus sérieux. Il m’avertit que plus loin sur ce chemin, je peux me faire dépouiller, que c’est une zone un peu dangereuse depuis très peu de temps et que je ne devrais donc pas m’aventurer trop loin. Je comprendrai plus tard que cette zone se situait en fait à 3 bonnes heures de marche. Mais merci d’avoir prévenu, ne serait-ce que par principe. Aujourd’hui, on s’adresse à moi autrement qu’en se demandant ce que je peux bien faire là, et ça me fait plaisir.

    Le soir, je rentre à Cutervo de bonne humeur, complètement jmenfoutiste quant à l’avalanche de regards et aux quelques rires qui me tombent dessus à chaque coin de rue. Finalement, peut-être qu’on finit par s’habituer ?

     

    16/04

    Hier, je suis parti me promener dans les hauteurs de Cutervo, tout simplement, sans demander de conseils. Et de qu’est-ce que je m’aperçois-je, comme dirait Coluche ? Eh bien les photos le diront mieux que moi :

     Tour du Pérou, tour de soi-même ! (2/4)

     D'abord, un petit chemin rien de plus normal.

    Et puis tout à coup :

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (2/4)

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (2/4)

    Non, ce n’est pas de la neige ! Une étendue de sable blanc sortie de nulle part. Le fait de ne rien chercher de spécial, l’effet de surprise totale, avec en supplément ce brouillard venu mystifier l’ambiance, je suis resté bouche bée ! Déboussolé, j’étais. Et puis seconde réaction, dans les instants suivants : comment est-il possible que les gens de Cutervo arrivent à affirmer sans ciller que « par ici, bof, pas grand-chose à voir », alors qu’ils ont ça à même pas 30 minutes de marche ? Faut-il définitivement penser que c’est par mauvaise volonté ? Si, comme je l’ai entendu, la région compte développer le tourisme, alors il y a du chemin à faire… Le fait que je doive partir marcher au hasard pour trouver les coins intéressants veut dire beaucoup. Et puis il est tout à fait permis d’imaginer que j’aie pu rater d’autres endroits de cet acabit simplement par manque d’informations… Bref, souhaitons-leur d’arriver à faire évoluer tout ça !

     

    17/04

    Je ne sais plus où me mettre ! Vous vous souvenez que je devais rejoindre des amis péruviens pour aller passer 2-3 jours dans leur village, San Andres, à proximité de Cutervo ? Eh bien j’y suis. Et en dehors du fait que le coin soit très joli (petit village au milieu d’une vallée verdoyante), j’ai la chance de me retrouver au cœur d’une famille d’ici et de vivre avec eux pendant 3 jours. Evidemment, cette expérience m’enchante et c’est bien la première chose que je dois vous dire. Mais vraiment, je ne sais plus où me mettre !

    C’est que la famille a son quotidien, et ses membres des rôles. Après le petit-déjeuner, les femmes s’occupent de la maison, les hommes partent faire leurs affaires chacun de son côté. Et moi, bon, a priori je suis plutôt un homme. Mais je n’ai pas particulièrement d’affaires qui m’appellent, si ce n’est vous pondre un paragraphe par-ci par-là... Ce qui du coup me laisse par défaut aux côtés des femmes. Et là, accrochage culturel intéressant : ne pas participer à leurs activités domestiques me semble impoli voire machiste, mais y participer revient à sortir de mon rôle et donc à déjouer les normes en place. Ce qui fait que, quoi que je fasse, je sens mon attitude déplacée. Je ne sais plus où me mettre, que je vous dis !

    Alors évidemment, ça ne fait pas 24 heures que je suis là ; ce que je raconte là, c’est une histoire de réglage à trouver, rien de plus. Ce qui est dommage, c’est que je n’aurai pas le temps de trouver ce réglage : dans 3 jours je serai déjà loin (mes amis eux-mêmes retournent à Chiclayo, où ils étudient). L’expérience n’en est pas moins riche bien sûr, le simple fait d’être perdu en est la preuve, et je ne suis rien d’autre qu’une espèce d’anthropologue informel, soit tout ce que j’aime. Du coup, je vous en dirai probablement plus demain ou après-demain.

    En attendant, comme mes découvertes ne se résument pas à la famille chez qui je réside, petite page culturelle. Ici comme chez nous, la police ne remplit pas pleinement son rôle, pour le dire gentiment. Mais elle ne l’outrepasse pas non plus, ce qui par contre constitue une différence notable avec la police française (soit dit en passant, je ne dis pas ça pour lancer des piques, je décris ce que je vois en utilisant ce que je pense, avec pour seul souci la clarté de l’explication). Du coup, elle n’est pas malaimée comme chez nous, elle suscite avant tout l’indifférence, d’après ce que j’ai compris. Par contre, son inefficacité étant avérée, on lui crée des alternatives. En effet, les villages ont tous des « rondas », c’est-à-dire qu’ils s’organisent pour entretenir la sécurité eux-mêmes, le peuple. Vous vous souvenez de la mise en garde que j’ai reçue dans la montagne il y a 3 jours, sur le risque de me faire agresser et dépouiller ? Eh bien plus de problème, mes amis, les types sont morts ! Les rondas de plusieurs villages se sont réunies, 300 types sont montés chercher les trouble-fêtes, et terminé. Par souci d’honnêteté, je dois préciser que la version officielle est : « ils ont réussi à s’échapper ». Mais la famille chez qui j’habite m’a assuré que cette formulation n’a pas d’autre traduction possible que : « on a réglé leur compte à ces emmerdeurs, mais on ne peut pas se permettre d’en faire une info officielle ». Ainsi fonctionnent les rondas depuis toujours.

    Alors qu’en penser ? Evidemment, j’aime personnellement beaucoup l’idée que le peuple lui-même s’organise : c’est la démocratie à la racine, on ne peut pas faire plus. Là où on (…)

     

    18/04

    (…) peut tiquer, c’est sur le poids de la sentence : se faire refroidir pour quelques agressions, oui, ça parait excessif. Et en même temps, on peut aussi prendre la situation dans l’autre sens : quand on connait les règles du pays, quand on sait comment réagissent le peuple et ses rondas, quelle idée d’aller s’amuser à dépouiller les passants et même les voitures juste au-dessus du village ? Oui, il faut être un petit peu attardé ; ou suicidaire, comme deuxième alternative.

    Du coup, j’aurais tendance à penser que lorsqu’on connait les règles, on ne peut pas s’étonner de les voir appliquées, tout bêtement. Ce qui reste discutable, ce sont les règles elles-mêmes, c’est vrai, mais ça, d’une civilisation à une autre, d’une époque à une autre, n’est-ce pas une question éternelle ? Car pleine de subjectivité. Sûr que pour la plupart d’entre nous Français, la peine maximale dégainée si facilement, ça fait grimacer. Mais puisque c’est leur façon de penser, qui d’autre pourrait avoir son mot à dire ? Non, personne.

    Tout ça pour dire qu’après avoir pris le temps d’y penser, malgré une réticence au départ, j’aime bien l’idée des rondas. J’imagine les 300 types : « une poignée de crétins nous agresse un à un à quelques centaines de mètres du village, allons régler ça tous ensemble ». Et finalement, ça me parle bien plus que d’aller déposer une plainte dans un commissariat. Un individu nuit au groupe, le groupe répond. On est dans un schéma nettement plus proche de quelque chose qu’on appelle parfois la « nature humaine », mais qui, selon les points de vue, pourrait tout aussi bien s’appeler « nature », « humanité » ou je-ne-sais-quoi-d’autre. La question suivante serait : faut-il chercher à discipliner la nature humaine, ou la laisser pleinement s’exprimer ? Mais là, vous pouvez m’attendre, je ne rentre pas dans ce genre de débat !

     

    19/04

    Des petites choses aujourd’hui. La première, les nouvelles ont changé sur les agresseurs. La ronda en a en fait tué 1, les 2 autres ayant été trainés aujourd’hui sur la place centrale devant tout le village pour que tout le monde connaisse bien leur tête, et aussi apparemment pour décider de quoi faire d’eux. Sans surprise, on les a tout simplement amenés à la police, en soulignant au passage que ça aurait dû être son rôle, à ladite police, d’aller attraper les types.

     

    Deuxième chose, j’ai visité la plus grande grotte d’Amérique ! Figurez-vous que c’est un endroit qui passe complètement inaperçu aux yeux du monde entier (à l’exception des spéléologues, notamment français) pour la simple raison qu’il se trouve dans une zone où le tourisme n’est pas du tout développé, perdue dans les montagnes péruviennes et franchement difficile d’accès. Et voilà que je tombe sans le savoir sur le village qui en est le plus proche ! San Andres, donc. Très honnêtement, j’en mets mon stylo à couper, dans les 10-15 prochaines années ou à peine plus, cette grotte va attirer les voyageurs du monde entier. Un endroit vraiment bluffant… Par contre, je vais devoir vous décevoir sur la suite logique de ce que je viens de vous raconter… Je n’ai pas de jolies photos. Mon vieil appareil n’a pas su comment s’y prendre pour encaisser un truc pareil, surtout que le temps était mauvais et la lumière donc pas très propice à de belles images. Je vous montre quand même le moins pire de ce que j’ai pu obtenir, maintenant que je suis là… Imaginez ça en mieux, plus grand, plus vertigineux !

     

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (2/4)

    En dessous, l'entrée de la grotte...

     

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (2/4)

    Le ruisseau entre dans la grotte, il s'agit de le suivre...

      

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (2/4)

    De l'intérieur.

     

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (2/4)

    La remontée.

     

    Et puis autre image de mes balades : ici, tout le monde a des cochons ! Devant la plupart des maisons, on les entend grouiner ou on les voit avachis dans leur sieste. Cet animal est vraiment drôle, complètement fidèle à la caricature qu’on en fait ! J’ai pas mal ri, alors je vous en montre quelques-uns !

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (2/4)

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (2/4)

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (2/4)

     

     

    (à suivre...)

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