• Qu'est-ce que je ferais pas pour revoir Mytilène ! 4/4

    Jour 9 : Pourquoi faire simple quand on peut faire comme j'aime ?

     

    Réveil sur mon aire d'autoroute croate avec un constat réconfortant : le ciel a l'air moins chargé aujourd'hui. En revanche, second constat : il n'y a pas plus de passage à cette station service qu'il n'y en avait hier soir.

    Je plie ma tente et me poste à la sortie de l'aire. Le trafic est tellement faible que je sors un bouquin pour patienter entre les voitures. Je m'attends à rester ici quelques heures, mais je m'en sors finalement assez bien puisqu'un couple italien m'embarque dans son camping car après seulement une heure d'attente. Ils partent en vacances à Dubrovnik, tout au sud de la Croatie et je reste donc plus de 2 heures avec eux. Une fois à destination, ils me proposent de rester pour manger, ce que j'accepte avec plaisir. Une rencontre très sympa, une de plus !

    Il est déjà 16h lorsque je salue chaleureusement mes compagnons du jour. Il me faut à présent prendre une décision : visiter un peu à Dubrovnik, y trouver un coin où dormir et me poser tranquillement, ou partir immédiatement et tenter de m'éloigner un peu de la ville avant la nuit. Pour que vous visualisiez mieux ma situation, la voici sur une carte :

     

    Voici Dubrovnik. Je vous recommande d'ouvrir cette carte sur un autre onglet pour la voir en plus grand (ctrl+clic). La flèche rouge indique ma localisation lorsque je me sépare du couple italien. Pour quitter la ville, je dois atteindre la route orange, que je vois parfaitement d'où je suis puisqu'elle est nettement plus en hauteur, même si je le suis aussi un peu. Je dois donc redescendre dans le centre pour remonter jusqu'à cette route. Il est 16h, la nuit est trop proche pour faire de grands projets et il est presque écrit dans le ciel qu'un orage est en préparation ; il serait facile de décider de rester à Dubrovnik ce soir. Mais je n'ai pas envie. Ce n'est pas plus compliqué que ça, je n'ai pas envie. Et l'hésitation est d'ailleurs très furtive, presque subliminale, une lueur de raison vite oubliée : je m'en vais.

    Le pari est fou, et pourtant... Je traverse Dubrovnik, atteins la route par des chemins en escaliers qui se faufilent entre les maisons. C'est long, c'est raide, les sacs sont lourds, mais je fonce, parce que c'était tout ou rien, et que j'ai choisi tout. Une fois sur la route, je pourrais avoir de la chance et trouver rapidement un bon endroit pour le stop. Mais pas cette fois. C'est une route de montagne assez étroite qui longe le ravin de près. Il me faut donc marcher en espérant trouver un arrêt de bus ou je ne sais quel élargissement de la route inespéré. Voire même un village. C'est dangereux, c'est lourd, le ciel est chargé, mais je continue de foncer. Au bout d'1 ou 2 kilomètres, je passe à côté d'un chantier. Il est du mauvais côté de la route pour le stop, mais je garde en tête qu'en cas de besoin, je pourrai faire demi-tour et venir dormir ici.

    En continuant de marcher, en m'arrêtant parfois dans les endroits dangereux pour attendre qu'il n'y ait plus de voitures et pouvoir passer, je me demande ce qui m'a pris de me lancer dans cette expédition aujourd'hui. Non pas que je regrette, loin de là, je suis en train de relever un défi qui m'excite énormément, mais simplement : pourquoi ? C'est comme si opter pour la tranquillité m'ennuyait. Et en repensant aux jours précédents, il est vrai que mes baisses de moral ne coïncident pas avec les moments les plus difficiles, au contraire. Je m'épanouis lorsque les choses se compliquent et qu'il faut affronter les situations, comme maintenant. C'est peut-être même tout ce que je cherche en partant sur les routes comme je le fais...

    Encore 1 ou 2 kilomètres plus loin, je crie victoire, grand sourire aux lèvres. Un petit parking destiné à s'arrêter pour profiter de la vue. Et c'est vrai qu'elle en jette, la vue !

    Qu'est-ce que je ferais pas pour revoir Mytilène ! 4/4

     

    Je commence à tendre le pouce et bientôt, à une vingtaine de mètres de moi, s'arrête une voiture. Un couple de touristes en descend équipé d'appareils photo. Je les regarde en me demandant si je ne pourrais pas les aborder, et mes yeux s'arrêtent sur la plaque d'immatriculation de la voiture. Je suis un peu loin, mais il me semble bien que... Oui. Ce sont des Français ! Un couple de nouveaux retraités. Ils n'ont pas l'air enchantés de me voir mais acceptent néanmoins de m'avancer un peu. Comme je sens de la méfiance et du jugement, je n'hésite pas à me présenter comme professeur de français langue étrangère passionné par notre beau langage et par la pédagogie et tout le toutim, une espèce d'intellectuel poético-voyageur, ou quelque chose comme ça. Bluffés, les bons Français ! Je me dis que la prochaine fois qu'ils apercevront un chevelu à sac à dos qui leur tend le pouce avec le sourire, ils se montreront peut-être moins farouches !

    Un peu plus tard, après avoir tenté de poursuivre le stop en vain, je plante ma tente au bord de la route, à peine caché par des buissons. Je ne dois plus être très loin du Monténégro.

     

    Jour 10 : Les distances se mesurent en heures

     

    Aujourd'hui, je change de pays ! J'ignore à quelle distance je suis de la frontière, mais elle ne peut plus être très loin. Seulement voilà, il arrive que le stop ne fonctionne pas. Il y a des jours où on avancerait plus vite à pied qu'en s'obstinant à tendre le pouce, et c'est le cas aujourd'hui. C'est peut-être aussi une question de région... On m'avait prévenu que les Croates du sud étaient plus froids qu'au nord.

    Il me faudra finalement 5 heures pour passer la frontière, soit un parcours que j'estimerais à une douzaine de kilomètres, dans 2 voitures différentes. Il est parfois plus pertinent de mesurer les distances en heures qu'en kilomètres...

    Le second conducteur est monténégrin. Il m'explique que dans son pays, on n'aime pas beaucoup les Croates car ils sont méprisants à l'égard du Monténégro. Et moi, à force de voyager, je m'étonne toujours plus de découvrir tant de peuples qui ne parviennent pas à aimer leurs voisins... Essaient-ils seulement ?

    Plus tard, en continuant à travers le Monténégro, je constate que le pays est plus pauvre que la Croatie. C'est peut-être une raison de leur inimitié. On y voit beaucoup de chantiers abandonnés, des maisons cassées, des animaux errants. Il y a encore peu de temps, le Monténégro et la Croatie formaient un seul et même pays, avec la Serbie : la Tchécoslovaquie. Peut-être les Monténégrins voient-ils d'un mauvais œil le développement économique de leurs voisins plus rapide que le leur à la suite de leur séparation ?

    Je m'arrête à un supermarché dans la petite ville de Kotor pour y acheter à manger. Je passe devant des remparts à flanc de colline, je les remarque à peine. Il semble y avoir trop peu d'espace entre eux et la montagne pour qu'ils puissent cacher quoi que ce soit d'intéressant. Pourtant, en les longeant pour retourner faire du stop, j'aperçois des gens qui les contournent par la droite. J'en conclus qu'il y a probablement une entrée et donc quelque chose à voir.

     L'entrée et le début des remparts, qui continuent en dehors de la photo vers la gauche.

    Je m'y dirige et découvre toute une vieille ville pleine de charme. Bluffé, je me réjouis de cette trouvaille totalement insoupçonnée il y a quelques minutes encore !

     

    Je reprends ensuite le stop, mais là encore, je peine. Il me faut 2 heures pour monter enfin en voiture, à la nuit tombante. Un jeune type très sympa m'amène à Tivat. Ça ne m'avance pas, mais j'aurai là-bas un emplacement tout trouvé pour planter ma tente dans un grand parc herbeux en bord de mer. Ça changera des bords de route !

    Mon chauffeur m'explique que c'est un endroit très prisé par les jeunes en été, pour camper, se baigner et faire la fête. Mais en septembre, le coin est paisible, et ça me convient très bien.

    A quelques dizaines de mètres de ma tente, une grande maison abandonnée attire mon attention. Je décide d'aller y faire un tour avant de manger un morceau.

     

    Dommage que les murs soient taggés, pensé-je en retournant à ma tente.

     

    Jour 11 : Il aurait fallu voyager sans but

     

    Reprise du stop en ce 11ème matin de voyage. Après avoir essayé deux emplacements peu judicieux, je me poste à la sortie d'une station essence. Soudain, je vois quelqu'un me faire signe de la main depuis la terrasse de café collée à la station. Est-ce bien à moi qu'il s'adresse ? Je regarde mieux, plisse les yeux, et reconnais mon premier conducteur monténégrin, celui avec qui j'ai passé la frontière ! J'ai pourtant l'impression d'avoir fait de la route depuis, mais c'était finalement il y a moins de 24 heures, et à peine 20 kilomètres plus au nord. Petite coïncidence sympathique tout de même, et je bois un café avec lui.

    Plus tard, je me retrouve en voiture avec un homme très intéressant. Et ça tombe bien, car je vais rester plus d'1 heure avec lui, puisqu'il m'emmène jusqu'à Bar, c'est-à-dire plus de 60 kilomètres vers le sud. Il s'agit d'un ingénieur de nationalité serbe, mais vivant en Norvège. Il a construit sa vie là-bas, parle le norvégien, et aussi un bon anglais, ce qui est pratique pour notre conversation. Il tient à faire un petit détour pour me montrer le plus vieil olivier d'Europe (plus de 2000 ans !), appelé Stara maslina, en bordure de Bar. Je n'ai pas pris de photos parce qu'il y avait un peu de monde, mais vous pouvez voir à quoi il ressemble ici, par exemple.

    Je monte ensuite avec un vieillard très sympa qui, bonne surprise, parle anglais. Jusqu'ici, seuls les jeunes pouvaient en dire autant, et encore, pas tous... Mais ce petit vieux, dans sa voiture bruyante et abîmée par le temps, oui, il parle anglais. Il me dit qu'il espérantiste, me le redis, me demande si je suis espérantiste, répète que lui l'est. Et moi, je ne tilte pas tout de suite. Espérantiste, quésaco ? Une philosophie  de l'espoir ? Ou même une secte, tiens... Et pourquoi il me parle de ça, lui ? C'est alors que je fais le lien : espérantiste/espéranto, bien sûr ! Ce monsieur parle l'espéranto, il a cru en ce projet fou d'une langue commune à tous les êtres humains. Et n'en démords pas, apparemment ! Ceci dit, il est très gentil et me laisse ses coordonnées pour le jour où je repasserai par là. Je le quitte avec le sourire.

    Plus tard, je me retrouve avec un photographe amateur polonais qui va rendre visite à des gens qu'il a rencontrés la veille dans je-ne-sais-plus-quelle-ville du Monténégro. Ils vont passer une petite soirée musicale dans une maison à l'écart de la ville, près de la mer. Nous discutons voyages etc., et je ne sais pas pourquoi, je ne prends pas la décision de lui demander si je peux me joindre à eux pour cette soirée. Pour dire vrai, si, je sais pourquoi... Mais ce n'est pas une bonne raison. C'est simplement que je commence à avoir sérieusement la Grèce en tête, que je sais que je m'en approche, et que je n'ai à présent qu'une envie : l'atteindre au plus vite ! Avec le recul, j'avoue que c'est vraiment dommage. J'avais sous le nez l'occasion de rencontrer des gens probablement très sympas, et peut-être de faire une pause dans cet enchaînement de journées d'autostop. Mais j'ai biaisé mon intuition et choisi de jouer les hommes pressés. Il aurait fallu voyager sans but.

    Le Polonais me dépose donc à Ulcinj, dernière ville avant la frontière albanaise. Je me poste à la sortie, face à un chantier comme je n'en ai jamais vu. Face à moi, une grande affiche avec un numéro de permis de construire et une image du projet lorsqu'il sera terminé, comme on le fait aussi en France. Il s'agit d'un bâtiment de plusieurs étages au style moderne et élégant. Derrière l'affiche, le début du chantier, une quinzaine de bonshommes avec leurs outils, leur bonne volonté, et c'est tout. Zéro machine ! Pas une pelleteuse, pas une bétonnière, rien. Je rejette un coup d’œil à l'affiche... Le grand bâtiment pimpant. Ces gars-là vont rester ici un sacré moment. Manière monténégrine de lutter contre le chômage ?

    Je me remets donc à l'autostop. L'ingénieur serbe qui m'a pris sur 60 kilomètres ce matin m'a parlé de l'arrivée des grosses voitures en ex-Yougoslavie. Les gens découvrent depuis peu la conduite à sensation, les moteurs puissants, la vitesse. Et certains en abusent. D'ailleurs, non contents d'être dangereux, ceux-là deviennent également complètement cons, notamment lorsque la présence d'un autostoppeur sur le bord de la route leur fournit une immanquable occasion de rire un bon coup. Quand ça se limite à un coucou hilare, ce n'est déjà pas franchement agréable, mais quand ça commence à faire semblant de s'arrêter pour réaccélérer sous votre nez, ou que ça ralentit pour mieux vous fixer dans les yeux en éclatant de rire, je vous jure que l'envie finit par vous prendre de courir après la bagnole pour aller expliquer la vie au blaireau tout-puissant planqué à l'intérieur.

    Bref, je suis sur le bord de la route, et seuls des indifférents et des attardés comme décrits à l'instant passent devant moi. Et vous l'aurez compris, je m'énerve. La patience, d'accord, je sais faire, mais pas sous cette torture-là. Alors voilà, qu'il reste 10 kilomètres, 20 ou 50, je m'en contrefous : je pars à pied. C'est décidé et non négociable, je suis d'ailleurs déjà lancé. A ce moment, dans ma tête, je suis sincèrement prêt à marcher jusqu'à l'Albanie.

    Tout en longeant la route à grands pas déterminés, je tends tout de même le pouce lorsque j'entends des bruits de moteur s'approcher derrière moi. Au bout d'une trentaine de minutes, une voiture finit par s'arrêter et je suis presque surpris. Je ne m'y attendais plus. Je m'approche, le type ne parle pas anglais, je lui dis "Albania". Et là, cerise sur le gâteau de cet après-midi désespérant : le type me demande de l'argent en échange du trajet... Je dis non, il insiste, je m'en vais encore un peu plus exaspéré.

    Encore une demi-heure plus tard, je parviens finalement à me faire emmener par un couple, puis par deux jeunots (s'ils ont 18 ans c'est de justesse, parole !) qui m'embarquent à l'arrière de leur utilitaire. Après ça, j'imagine que je suis bien avancé, mais je ne sais pas vraiment. En voyant la carte, j'estime le trajet d'Ulcinj à la frontière à une vingtaine de kilomètres. C'est d'ailleurs ce que m'a dit le type qui voulait me faire payer, mais peut-être qu'il mentait pour que je paie plus (surtout que j'avais déjà marché quelques kilomètres avant qu'il ne me tombe dessus). Avec mon heure de marche et les deux voitures, j'ai dû parcourir une douzaine de kilomètres.

    Je marche encore une bonne heure, il fait chaud et les sacs sont lourds, mais ma détermination ne fléchit pas. Puis je passe devant un bar, posé là au milieu de rien. Cela fait 2h30 que je suis parti d'Ulcinj, je décide de m'accorder une pause. Bière bien fraîche sur terrasse ensoleillée, voilà tout ce dont j'avais besoin sans vraiment m'en être rendu compte ! Je regarde 3 petits vieux dans leur discussion de petits vieux. Ils sont marrants, presque caricaturaux. Ils me font penser à la chanson de Gotainer, "Trois vieux papis". L'un d'eux semble s'enorgueillir de voir que je le regarde parler ; il doit penser que je comprends ce qu'il dit. Je souris.

    Me revoilà de bonne humeur. Il en fallait peu ! Je garde néanmoins intacte mon envie de passer la frontière dès aujourd'hui, et pour cela je dois me remettre rapidement en route. Je n'ai plus d'idée de combien de kilomètres il me reste à parcourir, mais c'est peut-être mieux de ne pas savoir, sous peine de prendre encore une claque au moral... Je paie ma bière, m'apprête à partir, puis me risque finalement à poser la question cruciale à la serveuse. A combien de kilomètres se situe la frontière albanaise ? Elle est juste là, après le virage à 500 mètres.

    Relancé, je suis ! Moral à bloc retrouvé ! Je l'ai dit, je l'ai fait, Albanie me voici ! C'était quand même pas une poignée de blaireaux à grosses voitures qui allait me scotcher à Ulcinj ! Non mais !

    Je passe donc la frontière à pied puis continue de marcher. Peu après, j'embarque avec deux Albanais, père et fils, très sympathiques. Je leur dis que je cherche un endroit où planter ma tente ce soir, ils me disent que j'ai encore le temps de faire un peu de stop, que je devrais essayer, et qu'ils peuvent me poser sur la bonne route pour continuer vers le sud. Surpris qu'ils prennent ainsi l'initiative de changer mes plans à leur idée, je décide de laisser faire : après tout, pourquoi pas ! Je me retrouve sur une route similaire à une nationale française, donc peu propice à l'autostop en général, mais je trouve un emplacement avec beaucoup de place pour permettre aux voitures de s'arrêter. Sauf qu'après 5 petites minutes d'autostop, ce n'est pas une voiture qui s'arrête. C'est un semi-remorque ! Et ce n'est pas tout, vous devinerez peut-être la nationalité de l'engin et de son chauffeur...? Eh bien je vous le donne Emile, comme dirait Coluche : ils sont de nationalité monténégrine, bien évidemment ! Le sort semble avoir un sacré esprit de contradiction !

    Le conducteur me dit qu'il va à Tirana, capitale de l'Albanie, à 1 heure de route au sud. Je n'ai pas pour habitude de passer dans les capitales, mais tant pis pour cette fois, je trouverai une auberge de jeunesse. Sauf qu'en réalité, le type me dépose dans une banlieue de Tirana. Nuance. Et entre-temps, la nuit est tombée. Voilà donc un autre moment difficile qui va commencer.

    Je me retrouve à une sortie de nationale non éclairée, donc assez dangereuse. Dans mes va-et-vient en recherche d'un endroit où acheter à manger, je frôle d'ailleurs le drame lorsqu'une voiture passe à moins d'1 mètre de moi alors que je cherche justement à allumer ma lampe frontale pour pouvoir être vu. Bref, je trouve ce que je cherche puis marche au hasard en quête d'un endroit où m'installer pour la nuit. Rapidement, je suis repéré par une bande de chiens errants qui décident immédiatement que je n'ai rien à faire là. Ils courent à moi dans de grands aboiements. Inquiet, je me dis que de leur faire face les exciterait plus qu'autre chose, et je décide de continuer à marcher comme si de rien n'était. Je sais que cette technique fonctionnait en Grèce. Alors que j'enchaîne des pas peu rassurés, j'entends des aboiements et des grognements très proches dans mon dos. Mais pas ces grognements joueurs qu'on entend parfois lorsqu'un chien s'excite passablement pour une quelconque raison. Non. Ces grognements-là sont des grognements agressifs, ceux qui viennent du fond de la gorge de l'animal et annoncent l'attaque. Je m'attends à me faire attraper un mollet d'un moment à l'autre. Heureusement, un petit vieux passe à ce moment-là et me sauve en élevant la voix sur les cabots, qui fuient sans demander leur reste. L'homme poursuit son chemin comme si de rien n'était.

    J'arrive dans une espèce de centre-ville où les gens rient en me voyant passer. Je demande une auberge de jeunesse ou un endroit où mettre ma tente, mais à peine ouvré-je la bouche que l'on rit également d'entendre parler anglais. On ne sait pas me répondre, on me montre des rues du doigt, mais tout cela semble hasardeux. Je finis par trouver un type qui me parle d'un hôtel. Désespéré, j'accepte. Le type m'accompagne, puis décide en route que tout compte fait, il peut aussi bien m'héberger chez lui. Agréablement surpris, je dis que je le paierai ; il dit que non, pas besoin.

    Une fois chez lui, je me sens soulagé, bien qu'encore chamboulé par cette fin de journée déstabilisante. Mon hôte a un anglais très limité et nous nous comprenons difficilement. Il m'apprend que je suis à Fushe-Krujë, qu'il s'appelle Ramis et que sa femme Elona va bientôt arriver. Il me dit que je suis le bienvenu chez lui, que demain matin je pourrai déjeuner et me doucher, puis que nous partirons à Tirana ensemble car il y travaille. Je lui apprends quant à moi deux choses qui vont changer la donne : 1. que je suis français ; 2. que non, je ne suis pas musulman, et ce malgré ma barbe. Déçu, le Ramis, très déçu. Bonne nuit !

     

    Jour 12 : Finissons-en.

     

    Au matin, Ramis me réveille comme prévu et nous partons dans la foulée. Évaporés, la douche et le petit-déjeuner évoqués la veille au soir. Il me réclame de l'argent, me met dans un bus pour Tirana et s'en va. OK, sans commentaire.

    Moi, c'est plus ou moins décidé depuis hier soir : une fois à Tirana, je prends un bus pour la Grèce. Je ne me sens pas bien ici, et de toute façon je suis tellement impatient d'arriver à Mytilène que je ne prends même plus le temps d'apprécier le voyage. La preuve hier avec le photographe polonais. Autant abréger.

    Je me rends donc à une agence de voyage. Une femme me propose un bus pour Kozani (Grèce) pour 30€. Intuitivement, je passe à une autre agence pour vérifier le prix : 20€. Décidément, il ne fait pas bon être un voyageur, par ici.

    Conclusion, l'Albanie n'est pas le premier pays où je retournerai.

    Dans le bus pour Kozani, je reçois un texto de ma mère. Les résultats de mon DAEFLE sont tombés... Petit coup d'adrénaline... Et hop, 14,90, mention bien ! En voilà une jolie revanche ! (voir l'article Ce qui était prévu, c'est que rien ne serait prévu 2/2 de ce blog).

    Après 10h40 de bus dont 2h30 à la frontière grecque (qui est aussi une entrée dans l'UE), je suis en Grèce, donc à peu près chez moi. De là, Athènes puis Mytilène, terre promise après ces 12 jours sur les routes. Une expérience qui restera comme une grande étape de plus dans mon "Découvre le monde pour te découvrir toi-même"...

    Retrouvailles avec Juan et Thanassis, peu après mon arrivée à Mytilène.

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