• 04/05

    Il doit être à peu près 16h. Je suis bloqué à 4 heures de Cusco par un barrage de protestation, et ce depuis 9h30 du matin. Des histoires d’agriculteurs et de marché des pommes de terre saturé, d’après ce que j’ai entendu.

    Du coup, je parle avec les autres passagers, des Espagnols, des Hollandais, des Péruviens. C’est sympa, mais on préférerait avancer… Déjà qu’on a dormi dans le bus cette nuit, c’est pas pour rester encore là ce soir !

    Quant aux manifestants, ils sont un petit peu cons sur les bords, et sans doute un peu au milieu aussi. Ils ont voulu couper un arbre pour le mettre en travers de la route, voyez déjà l’idée de haut vol… Mais en plus, comme ils ne savent pas s’y prendre, ils ont fait tomber l’arbre dans la direction opposée à la route, ce qui limite passablement l’intérêt de l’opération. Ils ont failli se le prendre sur la gueule, ont dû sauter dans les buissons pour pas terminer encore plus plats.

    Après ça, ils ont engueulé les pauvres filles qui venaient nous vendre des repas. Parce qu’en plus d’être pris en otages, on n’aurait pas le droit de manger ! Bref, ils ont pas inventé le fil à couper le beurre… ni les arbres d’ailleurs, qu’on se le dise ! On ose espérer que par un éclair de génie ils nous laissent arriver à Cusco ce soir… Mais c’est pas gagné.

     

    06/05

    27 heures pour arriver à Cusco ! 8 heures d’arrêt à peu près. On a fini par passer plus ou moins en force, on était quand même plus nombreux ; et franchement exaspérés au bout d’un moment ! Bref.

    Cusco donc. On change nettement de registre, on oublie ce qu’on a dit avant et on repense le Pérou. Ici, c’est du touristique pur jus, rues qui grouillent de gringos et de gros sacs à dos, conversations dans toutes les langues imaginables. On a quand même une des 7 merveilles du monde à portée de bus, ça ne se néglige pas !

    Programme donc : faire un peu la fête avec ceux que ça tente. Ça ne m’est pas arrivé depuis Trujillo, j’arrive juste avant le weekend, faudra pas me le dire 2 fois ! Ni une, d’ailleurs : je suis déjà là ! L’auberge est tout comme j’aime, avec des gens de partout et un bar, soit le nécessaire pour s’amuser un peu. J’ai déjà rencontré des gens de Finlande, France, Brésil, Argentine, Pays-Bas, et j’en oublie sûrement, pour vous donner une idée. Assez d’ailleurs pour me rendre compte que de passer 1 an à parler espagnol a jeté 2-3 mauvais sorts à mon anglais !

     

    Et puis en début de semaine on mettra le cap sur la fameuse merveille, j’ai nommé : le Machu Picchu ! Tout le monde ici ne parle que de ça, et ça ne fait évidemment que m’intriguer encore davantage. Mais ne mélangeons pas tout (ou alors plus tard dans la soirée, si vous insistez) et faisons les choses dans l’ordre. Un cuba libre, por favor !

     

    En PS, les images du jour : une exposition sur le thème des rêves que j'ai beaucoup aimée.

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (4/5)

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (4/5)

     

     

     

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (4/5)Tour du Pérou, tour de soi-même ! (4/5)Tour du Pérou, tour de soi-même ! (4/5)Tour du Pérou, tour de soi-même ! (4/5)Tour du Pérou, tour de soi-même ! (4/5)Tour du Pérou, tour de soi-même ! (4/5)Tour du Pérou, tour de soi-même ! (4/5)

     

    09/05

    Machu Picchu H-11. On est déjà sur les starting-blocks. Qui ça, « on » ? T’es pas tout seul ? Eh bien non, je suis avec une Française rencontrée à l’auberge ainsi qu’un Argentin rencontré dans le bus. Et qu’est-ce que t’appelles les « starting-blocks » au juste ? Ah ça, c’est le village qui se trouve en-dessous du Mach’ (pour les intimes, comme moi) et qui s’appelle Aguas Calientes. Tous ceux qui s’apprêtent à grimper dorment ici la veille, se lèvent à 4h30 du matin et hop, à l’assaut ! Oui, c’est tôt, mais une merveille, ça a ses exigences.

    Ce que je peux vous dire pour le moment, c’est que rien que sur le trajet jusqu’ici, on en a pris plein la vue… A se faufiler dans une vallée interminable dont les sommets nous dominaient de centaines de mètres… Des paysages qui vous écarquillent les yeux. Et si ça c’était juste un avant-goût, moi, je vais me coucher : demain arrivera plus vite ! Il arrivera de toute façon très vite vu l’heure du réveille-matin…

     

    11/05

    Bon, inutile de trop causer, les photos seront plus expressives que moi sur ce coup-là... Si ce n’est que la qualité n’est toujours pas au mieux (j'ai dû faire du tri), désolé pour ça.

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (4/5)

     D’abord, l’arrivée au village avec ce point de vue pris des millions de fois.

     

     

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (4/5)

    Puis petit tour au pont inca… étonnamment interdit d’accès ! 

     

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (4/5)

    Ensuite, ascension de la montagne Machu Picchu, avec des vues ahurissantes…

     

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (4/5)

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (4/5)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (4/5)

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (4/5)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Arrivée au sommet, où je partagerai un petit pique-nique de 8h30 du matin avec des Argentins...

     

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (4/5)

    ... avec à 360 degrés...

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (4/5)

    ... des vues de ce registre.

    Mais avec mes yeux, j'obtiens une meilleure qualité...

    C'était magnifique, je ne vais pas en dire plus. C'est un incontournable, je l'ai incontourné, et je repars avec des étoiles dans les yeux.

     

    11/05 (2)

    Retour à Cusco, où tout est cher. Le Machu Picchu, bon, on comprend, c’est un lieu incroyable. Mais pour le reste, on nous prend ouvertement pour des cons. Voilà le thème du jour !

    Pourquoi je suis si tranché ? Ce n’est pas qu’une question de prix, mais plutôt de façon de vendre. Exemple. Autour de Cusco, il y a de jolis villages avec des sites archéologiques : Pisaq, Chinchero, Ollantaytambo, Moray. Moi, je m’informe un peu, et je finis par penser faire un tour à Pisaq. Vient alors la question du prix. Normalement, une visite de ce genre, c’est 10-15 soles, exceptionnellement 20 si le lieu a quelque chose en plus. Tu parles ! 70 soles ! Et pourquoi ? Parce que l’entrée inclut les 4 lieux que je vous ai cités. Autrement dit : vous achetez l’entrée pour les 4 ou rien. Vous voulez voir un seul des 4 ? On s’en fout : 70 soles.

    Z’imaginez ? C’est comme si quand j’achète une Leffe, on me forçait à payer une Heineken, une Adel Scott et une Desperados avec ! Bon, ça me gênerait moins, je vous l’accorde… Mais vous avez saisi le principe.

    Résultat : je boude. M’en fous, j’ai tout le Pérou à voir ! J’irai dans les endroits où on me prend pas pour un con. Et plus drôle, j’ai eu la bonne idée d’aller me promener dans les hauteurs de Cusco, dans des endroits où personne ne va marcher, comme j’aime, et voilà que je me retrouve avec une vue imprenable sur un de leurs sites à la con dont l’entrée est, accrochez-vous bien, à pas moins de 130 soles ! (Parce qu’elle inclut je-ne-sais-quelles autres visites forcées). Et moi, gratis, que je te le zyeute, leur vestige inca ! A 100 mètres de l’entrée, sur ma petite colline. L’en fallait pas plus pour me mettre de bonne humeur. Ah, si : que l’appareil photo daigne remplir son rôle au lieu de se mettre en grève avec « erreur carte mémoire » en guise de banderole. Mais ça, vous avez dû le comprendre depuis un petit moment : les appareils photo et ce blog, c’est un peu comme Amonbofis et le château de César… Heureusement, on sait qui gagne à la fin !

     

     

    13/05

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (4/5)

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (4/5)

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (4/5)

     

    Aujourd’hui, une grande inspiration m’a comme saisi ! Je vous mets d’abord les photos, et après je raconte. Avouez que vous êtes pris de court !

    Alors, qu’est-ce que c’est ? Non, ce n’est pas juste pour vous montrer que j’ai pris le bateau. Pour vous annoncer que j’arrive enfin à prendre de jolies photos avec cet appareil ? Non plus. Non, ce que je viens de vous montrer, M’sieurs dames, c’est un des plus grands lacs du monde ! Et pendant qu’on y est, un des plus hauts parmi les navigables : 3812m ! Oui, évidemment, maintenant c’est facile de donner le nom, surtout que je vous en avais déjà parlé il y a quelques semaines ! C’est le Titicaca.

    Mais reprenons depuis le début si je le veux bien. Ce matin, je descends du bus à Puno, au bord du lac ; il est 5h45. Je me rends directement au marché pour déjeuner, réflexe toujours d’actualité, et y rencontre au passage une voyageuse italienne qui, tout comme moi, vient d’arriver de Cusco. Nous sympathisons et partons vers le lac avec l’idée d’aller en visiter les îles. 7h45 : embarquement dans le petit bateau duquel je prendrai les photos que vous connaissez. Mais aussi d’autres : celles des îles d’Uros, où nous marquons une petite pause.

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (4/5)

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (4/5)

     

    Dans le bateau, un sexagénaire dénommé Felipe nous informe que si nous voulons rester une nuit sur l’île de Taquile, il dispose de chambres à 20 soles. Et nous, c’est précisément ce qu’on envisageait en marchant vers le port. Résultat, nous voilà chez Felipe !

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (4/5)

    Débarquement.

     

    eTour du Pérou, tour de soi-même ! (4/5)

    La maison de Felipe et sa famille.

     

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (4/5)

    Ma chambre et son sol en foin.

     

    Et puis quelques photos de l'île.

     

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (4/5)

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (4/5)

     

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (4/5)

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (4/5)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Rien à dire, l’île est quand même canon. C’est à se demander pourquoi elle n’attire pas plus de voyageurs. La majorité des gens considèrent que Puno n’est pas une ville intéressante, point. Et comme les voyageurs parlent beaucoup entre eux, l’idée se répand. Personne ne dit que du côté des îles, oui, il y a de quoi s'asseoir et contempler. Pour ma part, il est clair qu’à partir de maintenant je ferai ramer la rumeur dans l’autre sens.

     

    14/05

    Comment j’aurais pu savoir, moi, qu’en explorant l’île de Taquile je foulais une terre quasi-anarchiste ? Heureusement que Felipe a pris le temps de nous expliquer ! L’histoire est en effet aussi atypique que méconnue, y compris des Péruviens.

    La communauté taquilénienne a un caractère bien trempé. Pour commencer, tous les habitants parlent quechua, langue des Indiens d’Amérique qu’une extrême minorité lutte pour maintenir en vie de nos jours. Pour eux, c’est la langue première.

    Après ça, ils refusent l’aide du gouvernement pour se développer : ils estiment que ce ne serait que pour être taxés par la suite, ce qu’ils n’admettent pas. Ils refusent d’ailleurs toute autorité extérieure à l’île, qu’elle soit gouvernementale, régionale, et même celle du maire de l’île voisine censé avoir de l’influence jusqu’à Taquile. Les habitants les ignorent, point final.

    La communauté a son propre groupe de décideurs : des habitants qui se relaient tous les 2 ans. Mais attention, pas d’élections ici ! Ce sont les autorités sortantes qui proposent les « chefs » suivants… qui sont en fait davantage des appliqueurs de la volonté de tous que des chefs, d’autant que ce ne sont pas des gens qui ont voulu le pouvoir. Ils sont 6, hommes et femmes, et peuvent d’ailleurs être démis si la communauté n’est pas contente de leur action.

    Pour maintenir cette manière de penser, les Taquiléniens se protègent de l’extérieur. Pour devenir l’un d’entre eux, il faut vivre 3 ans sur l’île et travailler pour la petite société en respectant les règles locales, dont le code vestimentaire, ses couleurs et symboles. Mais pour habiter l’île faudrait-il encore pouvoir y acheter un terrain… ce que les habitants ne permettent qu’aux Taquilèniens eux-mêmes. Si bien que le seul réel moyen d’entrer dans la communauté reste de se marier avec un(e) natif(ve). Système serré, certes, mais qui a le mérite de préserver à coup sûr la culture taquilénienne, ce qui n’est pas une mince affaire.

     

    Tout ça pour obtenir quoi ? Une vie paisible et en accord avec son identité, de toute évidence. De l’autogestion, de l’autonomie, du respect de tous, tous ces mots à connotation tristement utopique… Manquerait plus que l’endroit soit magnifique, tiens !

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (4/5)

     

     

    (à suivre...)


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  • Le point sur les avancées de ce tour du Pérou ! Je n’ai pas réussi à faire rentrer toutes les étapes dans Google Maps. Du coup, je ne vous montre que la partie sud, c’est-à-dire un peu moins des 2 dernières semaines.

     

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (5/5)

     

    Entre Ayacucho et Cusco, vous vous souvenez peut-être du barrage de protestation et des 8h d’arrêt. Une fois à Cusco, vous pouvez ajouter un petit détour au nord vers Aguas Calientes et leur Machu Picchu. Puis Puno, avec son Titicaca et l’ile de Taquile.

     

    A présent, nous allons pouvoir continuer avec Arequipa, avant de remonter par étapes vers Chiclayo pour récupérer mes affaires et rentrer en France. Et ça fera déjà 2 mois de voyage ! Ou 7 semaines pour être exact.

     

    15/05

    Drôle, l’arrivée à Arequipa ; très bonne inspiration que de me pointer un dimanche à 5h du matin : tous les fêtards les plus dignes de ce nom en train de chercher où ils habitent ! Enfin, pas tous. Il y a aussi ceux qui ont déjà abandonné l’idée et dorment à même le trottoir, en diagonale, histoire de rendre le passage bien impossible. Un de ces tableaux, je vous dis… Parmi les errants, ceux qui croient qu’ils ont l’air nets et zigzaguent fièrement, ceux qui essaient de convaincre une fille que c’est plus sage de dormir chez eux mais arrivent à peine à la regarder dans les yeux, ceux qui sont subitement enchantés de vous voir passer par là et vous offrent chaleureusement une gorgée de leur breuvage… Bon, pas mauvais joueur, moi, j’accepte, hein. Mais je me demande encore ce que c’était, son soi-disant pisco, au type !

    Je finis par arriver à l’auberge visée (de la même chaine que celle de Cusco, que j’ai bien aimée), et à peine ouvré-je la porte que je tombe sur une bouille familière : celle d’un de ceux avec qui j’ai fait la fête à Cusco le weekend dernier ! Il est 6h, il vient de rentrer ; les autres sont encore dehors, parait-il.

     

    Là-dessus, je me laisse attribuer un lit dans les dortoirs et y part terminer ma nuit. Réveil à 9h45, petit-déjeuner, et avec qui je me retrouve encore ? Les Hollandais qui étaient avec moi dans le bus bloqué par les agriculteurs il y a une dizaine de jours ! Franchement, on m’avait prévenu que les coïncidences étaient fréquentes dans les parages, mais de les vivre moi-même, ça leur donne une drôle de consistance !

     

    17/05

    Après avoir écrit le paragraphe d’avant-hier, que vous venez de lire, je fais un tour au bar de l’auberge pour voir ce qui s’y passe. J’y trouve un type seul avec l’ordinateur du bar, en train d’écouter de la musique. Je sais qu’il est français parce que je l’ai entendu parler au petit-déjeuner (observateur hein ?). On se met à discuter de musique, puisque c’est ce dans quoi il a l’air plongé, puis on se présente (les conversations sont toujours un peu dans cet ordre-là entre voyageurs : on ne se présente que quand on voit qu’on s’entend bien… Si on se présentait à tous ceux qu’on croise, on ne ferait que ça), puis vient la question sœur :

    « Et tu viens d’où ?

    -          - De Haute-Savoie, me vanté-je.

    -          - Oh !

    -          - Toi aussi ? deviné-je brillamment, où exactement ?

    -          - Tu connais Sallanches ? ose-t-il sans y croire.

    -          - … C’est pas vrai ?! n’en reviens-je pas ».

    (Ouais, je suis bon en dialogues).

    Eh bien si, c’est vrai. Nous voilà 2 natifs de Sallanches, petite ville haut-savoyarde de 15000 habitants, dans la même auberge péruvienne, de l’autre côté de l’Atlantique ! Moi qui vous parlais de coïncidences, je n’avais encore rien vu… Du coup, on part manger ensemble en discutant de notre chez nous (il est en fait né à Sallanches puis a grandi dans un village proche). Moi, comme ça va faire 1 an que je n’ai pas mis un pied dans mes rues ni vu les têtes qui y déambulent, ça me fait plaisir. Voilà un début de soirée très sympa.

     

    A part ça, j’ai encore de jolies photos à vous montrer. Faut que je me méfie, vous allez finir par vous lasser… Près d’Arequipa se trouvent les 2 plus grands canyons du monde, à côté desquels le Grand Canyon des Zétazunis aurait une tronche de faux pli dans n’importe quel drap usagé. Oui, j’exagère, mais ça m’amuse. Bref, je vous écris actuellement depuis le fond de l’un d’entre eux : Colca. Je vais passer la nuit ici, avec 2 Espagnols rencontrés en chemin. Mais sans plus attendre, et sous un tonnerre d’applaudissements, le rendu de la descente en images !

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (5/5)

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (5/5)

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (5/5)

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (5/5)

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (5/5)

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (5/5)

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (5/5)

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (5/5)

    Le tout avec une profondeur estimée à 3400m !

     

    18/05

    On commence à comprendre, vous comme moi, que ça a de la gueule, le Pérou (je parle à ceux qui lisent depuis un certain temps, pas aux sans gêne qui viennent d’entrer avec le cartable de travers sans même s’excuser du retard). Oui, au Pérou, les paysages vous béent la bouche et vous scotchent les yeux.

    Mais au fil de ces découvertes plus bluffantes les unes que les autres, le sentiment qui s’installe n’est pas fait que d’émerveillement, et il me serait difficile de me limiter à cet aspect-là du pays. Car proportionnelle à l’émerveillement, une pointe de tristesse émerge par moment, particulièrement lorsque je discute avec des Péruviens, les gens d’ici, l’ici du jour pour moi, de toute une vie pour eux, qui ont vécu ici, vivent ici, vivront ici. Les gens qui ont dans leur pays le lac Titicaca, le Machu Picchu, les 2 plus grands canyons du monde, mais qui ne les verront jamais de leur vie. Et pourquoi ça ? Parce que le peu d’argent qu’ils ont sert à manger, tiens. Parce qu’arriver à vivre et faire vivre sa famille, c’est déjà le bonheur. Et qu’on espère réussir à le refaire demain.

    Nous, on descend de nos avions et on défile avec nos bouilles d’ailleurs, on fait tout le pays en 2 mois, on paie 200, 300 soles pour la merveille du monde en souriant : « ça en vaut la peine ». Quelle peine ? 200 soles, c’est moins de 60 euros, c’est moins d’une journée de travail, pour certains même pas une demi-journée. Voilà la peine. Pour eux, c’est des semaines de nourriture pour toute la famille.

    Je ne veux pas faire de la culpabilisation, surtout pas. On a cet argent, on ne va pas s’empêcher de le dépenser sous prétexte que tout le monde ne l’a pas ; ça aiderait qui ? En plus, le dépenser dans un pays que ça aide, tant qu’à faire, allons-y ! Claquons nos euros et nos dollars ici plutôt qu’à Paris ou à Saint-Tropez. Non, ce que je veux exprimer, c’est de la tristesse, rien d’autre. Parler avec eux de leur pays et constater que je le connais mieux qu’eux, ça me remue un peu. Certains peuvent tout vous expliquer des beaux endroits à voir, le nom des villages alentours, les miradors, etc. Ils vous donnent toutes les indications imaginables. Mais quand vous leur demandez s’ils y sont allés, eux, c’est non, un non cassant, un regard fuyant. Ce qu’ils connaissent de leur pays, c’est ce qu’ils entendent des centaines de voyageurs qui défilent chaque jour, qui leur racontent leurs folles expériences et s’en vont vers encore plus beau. Ils vous affirment qu’ils iront, eux aussi, plus tard, un jour. Ils savent que peut-être pas, je le lis dans cet entre-ligne que j’ai appris à déceler chez eux. Les étoiles dans les yeux, la conscience de la réalité juste derrière, en embuscade.

     

    Voilà, on ne peut pas que s’émerveiller au Pérou.

     

    20/05

    Petit retour sur la question de voyager seul ou accompagné. Vous vous êtes peut-être rendu compte que finalement, malgré mes réflexions d'il y a quelques semaines, je me retrouve assez rarement en solitaire dans mes expéditions. En fait, j'ai, sans particulièrement le chercher, trouvé le compromis idéal : 2 jours par-ci avec un compagnon trouvé en chemin, 1 jour seul, 1 autre jour par-là avec 2 routards rencontrés à l'auberge, et ainsi de suite. C'est du voyage en électron libre, qui permet d'être en permanence dans la rencontre et la nouveauté et de n'avoir le temps de se lasser de rien. Je suis dans le partage sans perdre les libertés qu'offre la solitude : lorsqu'on ne veut plus les mêmes choses, on se sépare aussi simplement qu'on s'est trouvés, avec le sourire et en se souhaitant bonne route.

    En Amérique latine, beaucoup de gens voyagent ainsi. Certains restent ensemble pendant quelques jours, d'autres traversent des pays entiers sans plus se quitter. Il y a cette spontanéité, cette manière de parler à tout le monde et ce goût du mouvement qui font des routards un ensemble de pièces qui s'assemblent, se séparent, se rassemblent en permanence. Et j'en suis !

    Dans moins d'une semaine, je serai de retour à Chiclayo pour récupérer mes affaires, redescendre à Lima et prendre l'avion pour la France. J'aurai en tête tout un tas d'images avec toujours des visages différents, des relations de quelques heures ou un peu plus, des gens dont je pourrai me demander, chaque fois que j'en ai envie, où ils sont à présent, quelle ville ils explorent, quel paysage ils scrutent. De quoi sourire pour un bon moment !

     

    21/05

    Est-ce que je vous raconte qu'à Huacachina j'ai rencontré un Colombien que je connaissais de Trujillo, un Hollandais et son pote australien avec qui j'avais joué au beer-pong à Cusco, ainsi qu'une fille de Flaine, un village au-dessus de Sallanches ? Non, hein ? Les coïncidences, on a fait le tour, on va pas en faire un blog entier. L'effet de surprise se perd... L'effet de surprise, bientôt, ce sera quand je rencontrerai des inconnus ! Allez, assez parlé de ce dont je ne parlerai pas, on passe à autre chose.

    Introduction de l'autre chose : Si on était le 1er avril, je pourrais vous raconter que j'ai pris l'avion sur un coup de tête et que finalement je suis dans le Sahara. Mais je vais devoir me contenter de la vérité. (Fin de l'introduction, rapide, efficace et qui plonge le lecteur dans un suspense intenable).

    Sérieusement, je ne savais pas qu'il y avait un désert au Pérou... Et pourtant il prend de la place ! Une bonne partie de la côte du pays ! Mais ce n'est pas l'idée qui vous effleure en premier lieu à l'évocation de l'Amérique latine... C'est dingue, ici, comme on peut vivre à côté des choses en en ignorant jusqu'à l'existence. Ça va avec ce que je vous disais sur le fait que les Péruviens, tristement, ne visitent pas leur pays. Ils ne le connaissent par conséquent pas suffisamment pour vous indiquer certains endroits. N'empêche que m'y voici.

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (5/5)

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (5/5)

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (5/5)

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (5/5)

     

    Huacachina est donc une oasis artificielle à l'entrée du désert, en bordure de la ville d'Ica. C'est un coin touristique mais pas bondé, et plutôt agréable. Tout son intérêt réside bien sûr dans cette étendue sable qui l'entoure et s'étale à perte de vue. Cet après-midi, je vais faire un tour de buggy, j'essaierai de vous passer quelques images !

     

    22/05

    Photos promises, photos dues !

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (5/5)

     On a presque du mal à croire que ce paysage appartient au Pérou !

     

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (5/5)

     A bord du buggy. Sensations garanties !

     

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (5/5)

    Un exemple de buggy.

     

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (5/5)

    Ica.

     

    Je ne pensais pas si bien dire lorsque j'annonçais il y a plusieurs semaines que le Pérou possédait tous les types de paysages. Une surprise de plus, dans un pays qui continue de se révéler chaque semaine plus fascinant...

      

    24/05

    Dernière étape du voyage : Huaraz. Avec une Péruvienne, cette fois, qui a d’ailleurs réussi à sortir de très jolies photos avec mon appareil. (Cet appareil m’a en fait été prêté, d’où mes tâtonnements, même si je m’en sors pas trop mal ces derniers temps !). Voyez vous-mêmes.

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (5/5)

    La lagune Wilcacocha (3750m)

     

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (5/5)

    Point de passage dont je ne connais pas le nom, dans la montée vers la lagune 69.

     

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (5/5)

    Petite indication de compatriotes français passés par là avant moi. Toujours bon à prendre !

     

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (5/5)

    La lagune 69, à plus de 4500m d'altitude. Sacrée couleur !

     

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (5/5)

     

    Huaraz est la ville du tourisme montagnard : lagunes, treks de plusieurs jours, grands itinéraires en VTT… Moi, partir dans des expéditions mégalomanes, ça me tente moyen, surtout que je ne suis pas du tout équipé et qu’il faudrait que je loue tout. Bof. Les 2 petites virées aux lagunes Wilcacocha et 69 correspondent donc nettement mieux au genre de sorties que je cherche (2h30 de marche aller-retour pour la première, 5h30 pour l’autre), surtout pour arriver à de si jolis endroits. Et mine de rien, on côtoie des altitudes qui feraient pâlir le Mont-Blanc ! (Oui, l’expression est mal choisie, c’est pour ça que je l’aime bien).

     

    Ce soir, je monte dans le bus pour Chiclayo, où j’arriverai 2 jours plus tôt que prévu, ce qui me convient bien étant donné qu’il me reste quelques lignes d’agenda à rayer avant de clore définitivement mon année péruvienne. Et hop, bouclé le tour du Pérou ! Et hop, point final à mon chapitre chiclayen ! Et hop, une page de vie ! Mais pour tout dire, j’ai pour le moment du mal à me faire croire que dans une semaine précise je serai dans l’avion… Mon cerveau ne voit pas trop ce que ça veut dire. Le futur proche, ce sera plutôt de bouquiner un peu de San Antonio sur un banc de Huaraz. Allez !

     

     

    Épilogue

    Je n'ai plus rien écrit après ce dernier paragraphe furtif à Huaraz, pas même pendant mon passage à Chiclayo. C'est plus d'une semaine plus tard, de France, que je m'apprête à conclure tous ces récits.

     

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (5/5)

    Comme Google Maps ne me laissait pas entrer tous les noms de mes villes étapes, j'ai pris une carte et j'ai tracé moi-même l'itinéraire. Voici donc le chemin parcouru, à quelque chose près, sur ces 7 semaines de voyage. Avant Jaen, point le plus au nord, vous vous rappelez peut-être qu'il faut ajouter Chota, Cutervo et San Andrés ; je ne l'ai pas fait parce que je ne voulais pas trop charger. Sur le reste de la carte, par contre, j'ai ajouté 4 villes manquantes. On obtient comme vous le voyez une jolie boucle, avec peut-être quand même un détour oublié : Iquitos, tout à l'est, dans la selva profonde. Un oubli à combler à une autre occasion, si elle se présente un jour...

    Comme prévu, je n'ai pas pu tout raconter ici ; il aurait fallu ne faire que ça, et ce n'était bien sûr pas le but du voyage. Cependant, l'essentiel est là, nul doute sur ce point. Du non-accueil dans les villages de la sierra jusqu'aux paysages fous de ce pays à la beauté presque déroutante, nous sommes passés par l'ayahuasca, la fête, l'île autogérée, la merveille, les coïncidences, les réflexions diverses, et j'en passe. Aussi bateau que ça puisse sembler, je vous avais trouvé dès le départ, sans vraiment le savoir, le titre qui disait tout, et même déjà la conclusion : tour du Pérou, tour de soi-même. Ce pays est tellement fait de tout que n'importe qui s'y explorerait, perdrait, retrouverait, selon les itinéraires qui lui plairaient. Une richesse démesurée dans laquelle tout peut se chercher et se trouver ; un pays trop vaste pour n'être qu'un.

     

    L'autre face de la médaille sera d'ailleurs à chercher de ce côté-là : peut-on réellement considérer le Pérou comme un seul pays, et surtout les Péruviens comme un seul peuple ? Existe-t-il réellement un élément qui unisse un Péruvien de la selva à un Péruvien de la côte, à un autre de la sierra ? Quel rapport entre Arequipa et Lima, qui sont pourtant les 2 plus grandes villes du pays ? Les Aréquipéniens se considèrent d'ailleurs comme une entité indépendante du Pérou. Diversité ou différence ? Fissure ou complémentarité ? Le Pérou a en tout cas plusieurs visages, et c'est tout le bonheur du voyageur, pour qui s'y balader ressemble véritablement à un tour du monde sans passer de frontières. Moins d'une semaine après l'avoir quitté, j'ai déjà, tranquillement assise quelque part dans ma poitrine, une patiente conviction : l'Amérique latine me reverra...

    D'ici là, je vous souhaite de bons prochains mois durant lesquels je resterai probablement muet sur le blog, car je serai en France. On se recroise avant 2017 si tout se passe comme je l'imagine... dans un pays qui reste à déterminer !


    2 commentaires
  • Fidèles lecteurs d'un semestre sur 3, bonjour !

    Dites, il était temps que je me pointe ! Un peu plus, et ça faisait un an de mutisme ! On ne va quand même pas se mettre à battre ce genre de records. Après tout ce temps, je ne me rappelais même plus sur quelle note je vous avais laissés après le Pérou. J'ai décidé qu'il valait mieux que je rejette un œil à la fin de l'article. Ce faisant, j'ai d'ailleurs trouvé 2 choses intéressantes qui vont en prime me permettre l'honneur de m'auto-citer, comme voici :

    "(...) j'ai déjà, tranquillement assise quelque part dans ma poitrine, une patiente conviction : l'Amérique latine me reverra..." 

    "On se recroise avant 2017 si tout se passe comme je l'imagine... dans un pays qui reste à déterminer !" 

    Il faut croire que j'étais d'humeur pronostiqueuse. Mais je me plantais... à moitié ! Une bonne prévision pour une erreur. Vous devinez ?

    Allez, un indice : je suis en Colombie.

    Ça y est, vous avez trouvé ? Bravo. J'ai toujours cru en votre talent.

    Et oui, j'ai mis un peu plus de temps que je ne le pensais à repartir, mais c'était effectivement pour l'Amérique latine. Je suis arrivé à Medellín à la mi-janvier avec un contrat d'1 an comme prof à l'Alliance Française.

     

    Oubliez ce que vous croyez peut-être pouvoir supposer vraisemblablement savoir

     

    Alors, Medellín, que vous dire... Ou commençons autrement : qu'imaginez-vous ? Premières références : le cartel de Medellín, Pablo Escobar, première production de cocaïne du monde, guerre des gangs... Et tout l'argent brassé, et pourtant la pauvreté, la rue, la survie. Et puis les FARCs, qu'on a surtout connues avec Ingrid Bettancourt pour la plupart d’entre nous... Le terrorisme de la jungle. D'autres diront Shakira, les plus belles filles du monde. La salsa, aussi, l'ambiance caliente, mais alors on parle de toute l'Amérique du sud, pas juste de Colombie.

    La Colombie, on ne la connait pas, si je résume. Comme tous les pays dont on a une image trop tranchée et trop sensationnelle pour être réaliste. On aperçoit quelques traits, on en déduit le visage entier, la technique ne s'est jamais révélée très efficace. Nuançons tout ça. Et commençons franchement : en Colombie, on trouve des bobos, des moches, des gens de droite (beaucoup !), des pacifistes, des transports modernes, des allergiques à la salsa. Ca vous en bouche un coin ? Vous avez pas fini !

    Car même en s’efforçant de ne s'attendre à rien pour être prêt à tout, difficile de ne pas se retrouver surpris par cette ville. Commençons par du positif : l’amabilité des gens, parfois à en rester bouche bée. Ici, il se peut qu’on vous aborde dans la rue pour vous indiquer votre chemin. Vous n’avez rien demandé ? Certes, mais vous cherchez quelque chose, ça se voit. Et attention, on n’est pas à la campagne, je parle bien d’une ville de la taille de Paris… Si vous vivez une scène similaire à Paris, contactez Hachette, qu’ils l’inscrivent dans leurs prochains manuels d’histoire !

    Le pendant de cette amabilité, parce qu’il en faut bien un, c’est la politesse. Peut-être cela vous étonne-t-il… Mais ce que je veux dire par là, ce n’est pas qu’ils sont impolis. Au contraire : c’est parfois trop ! Quand je repense aux Grecs qui m’expliquaient que nous les Français, on utilise beaucoup de formules de politesse, du « s’il vous plaît » dans tous les magasins, du « je voudrais » poussé jusqu’au « j’aurais voulu un kilo de tomates s’il vous plaît Monsieur », « merci bien », « de rien », « bonne journée à vous »… Eh bien je voudrais voir un Grec à Medellín. Ici, on a droit chaque matin à la même question : « Buenos días, como amaneció ? » traduisible à peu près ainsi : « bonjour, comment s’est passé votre lever ? ». Qu’est-ce que tu veux que je te raconte sur mon lever, colocataire… L’alarme du téléphone m’a éjecté du lit et me voilà ; pas de quoi en composer une tirade. Et la réponse quasi-systématique (et c’est là à mon sens le problème de la politesse : lorsqu’elle devient systématique, c’est-à-dire un réflexe plus qu’une réelle marque d’attention) : « Muy bien, gracias a Dios », que les plus perspicaces d’entre vous auront compris comme « très bien, grâce à Dieu ». Moi, autant vous le dire, croiser un colocataire le matin, j’évite autant que je peux. Déjà que je ne suis pas forcément d’humeur à parler à 6h30 du matin, mais si c’est pour dire des insipidités de ce genre, commencez sans moi je vous rejoins quand vous aurez fini.

     

    Où les lève-tard se réveillent à l'aube

     

    En parlant de matin… Deux fois par semaine, je me lève avant 5h pour un cours particulier. Je prends le métro vers 5h40. Le métro à 5h40, quelle image ça génère, dans vos méninges ? Parce que chez moi, ce serait quelque chose avec presque pas de lumière, presque pas de voyageurs, sinon quelques têtes fatiguées de travailleurs ultra-matinaux, et un train toutes les 10 minutes parce que sinon ils rouleraient à vide… A vous aussi ? Je vois qu’on se ressemble ! Enfin, qu’on se ressemblait. Parce que quel coup de bluff lorsque je suis arrivé à la station pour la première fois à 5h30, presque souriant ! « Au moins à cette heure-là j’aurai l’avantage de la tranquillité »… Tu parles ! 5h30, heure de pointe, l’ami ! Quai bondé, métro bondé, visages écrasés contre les fenêtres ! C’est bien simple, ce jour-là je n’ai pas pu monter dans le premier métro. Pris de court, pas pu m’imposer ! Medellín sur-matinale ! « Il est 5h, Paris s’éveille », qu’y disait… Ben elle est à la bourre, Paris, parce que Medellín elle est déjà coiffée, maquillée, petit-déjeunée et en route pour le boulot !

    Ceci dit, le métro est globalement assez agréable. Déjà parce que les gens sont respectueux, comme vous l’avez compris. Mais aussi parce que le métro n’est pas souterrain, et ça, ça joue sur 2 éléments essentiels : 1. la lumière, 2. l’odeur. Voyez le métro de Paris, enlevez-lui l’odeur des égouts et ajoutez-lui la lumière du jour, le changement d’ambiance est radical. Reste à animer un peu les tronches parigotes qui y gisent, et le tour est joué ! Mais on n’en est pas là.

    Une autre chose qui surprend, c’est la modernité de ce métro. Pour dire franchement ce qu'on a tous plus ou en moins en tête, la modernité, ce n’est pas le premier mot qui sortirait dans un brainstorming sur l’Amérique latine. Et pourtant, Medellín à coup sûr n’a rien à envier à certaines villes européennes… du moins une certaine partie de Medellín.

     

    "Ils vont être contents, les pauvres, de savoir qu'ils habitent un pays riche" ! Coluche

     

    C’est que, comme souvent dans les pays en plein développement, l’argent coule à flot ; mais pas partout. Et de fait, le contraste entre les plus riches et les plus pauvres est ahurissant, qui cohabitent à quelques centaines de mètres les uns des autres et vivent pourtant dans 2 réalités qui n’ont pour point commun que la météo et l’heure qu’il est. J’ai marché dans des endroits où des stands de babioles récupérées et à moitié inutilisables s’étalent sous les ponts du métro. Gisant parmi eux, des types shootés ou en manque, les vêtements sales et déchirés, allongés, accroupis, pliés en 2, le visage à 3 centimètres du goudron, relié par un filet de bave. D’autres tournant en rond en répétant indéfiniment la même phrase, l’air heureux ; jusqu’à la prochaine phase de manque. Il y a 5 minutes, vous étiez dans un quartier paisible, fleuri, avec des voitures qui brillent et des agents de sécurité qui vous saluent aimablement. Et puis vlan, encaisse ça.

    Et attention, je parle de miséreux véritablement miséreux, mais les riches sont aussi de véritables riches. Ca voyage dans le monde entier, ça paie des loyers plus hauts que mon salaire, ça a 19 ans et ça vient à la fac en voiture de luxe… « Elle est à tes parents ? – Non non, elle est à moi ; ma sœur a la même. » J’avais déjà cette impression en France, comme beaucoup, qu’on était 70 millions dans le même pays mais pas dans la même dimension, pas dans les mêmes quotidiens, que finalement nos vies ne se ressemblaient pas. Je ne dis pas que j’ai changé d’avis, mais ici à Medellín, c’est encore plus saisissant. Vous chutez de 15 niveaux sociaux en 3 stations de métro, et pour peu que vous ne vous y attendiez pas, comme ce fut mon cas, la téléportation est brutale, pour ne pas dire violente, et puis marquante.

     

    Ceux qui ont connu la mort te saluent

     

    Alors bien sûr, tout droit à la sortie de ce thème-là se pointe directement celui qui en découle : l'insécurité ; et ce d'autant plus que la ville dont on est en train de parler n'était pas moins que la plus violente du monde il y a encore une vingtaine d'années. Que reste-t-il de cela ?

    D'abord, des témoignages. La majorité des gens d'ici ont perdu au moins un proche par assassinat. Certains vous en parlent assez facilement, d'autres moins, mais il s'agit de souvenirs encore frais dans les mémoires collective et individuelles. On arrive à Medellín en se disant que ce n'est plus la ville meurtrière des années 90, mais on oublie que ce sont les mêmes gens, qui en gardent le vécu, les images, et pour certains les traumas. Une femme qui travaille dans la maison où je loue ma chambre a perdu presque toute sa famille dans des assassinats, dans la rue. Un jour, plus de mère, un autre, plus de frère, demain à qui le tour ? Certains connaissaient les meurtriers de leurs parents mais ne pouvaient rien y faire : la loi, c'était eux, la mafia.

    Aujourd'hui, Medellín va mieux, évidemment. Il serait précipité d'affirmer que tout cela n'existe plus, mais la situation n'est pas comparable. Le niveau de contraste que je vous décrivais à l'instant, entre quartiers riches et gens de la rue, entretient cependant les restes des années 90 et antérieures. Certains quartiers demeurent gouvernés par la mafia, certaines zones vous sont explicitement déconseillées dès lors que vous marchez à proximité, et les gens vont jusqu'à vous raccompagner dans la direction d'où vous venez en vous expliquant que vous vous mettez en danger en traînant par ici. Et puis, on vous met en garde dès vos premiers jours dans la ville : si on vous agresse, ne vous rebellez pas, donnez ce que vous avez. Ces gens-là vous tirent dessus sans problèmes.

    Le piège, c'est le sensationnalisme. Ces choses-là existent certes, mais ne doivent pas avoir leur place au premier plan de nos pensées quotidiennes. D'une part parce que ce sont dorénavant des faits isolés, d'autre part parce que le sens de l'évolution de Medellín en est l'exact opposé : baisse de la pauvreté, modernité, innovation (Medellín a été élue ville la plus innovante du monde par le Wall Street Journal en 2012) etc. De mon quotidien, ce que je retiens pour le moment a bien plus à voir avec la sympathie des gens, leur mentalité progressiste, l'agréabilité d'une ville pourtant trop grande pour moi, un travail épanouissant... Pas avec la violence, que je n'ai toujours pas aperçue d'ailleurs.

     

     

    Bon, je vois que j’ai déjà beaucoup parlé, je vais m’arrêter là pour ce premier aperçu de Medellín. J’espère avoir l’occasion de me promener un peu en Colombie, mais le projet est fichtrement incertain pour le moment, ce qui veut dire que je ne promets pas d’articles « sac à dos » dans les prochains mois. Par contre, un autre sur Medellín n’est pas à exclure, vous saurez.

    Hasta la vista bye bye, comme disait un célèbre philosophe français dans « La Tour Montparnasse infernale ».


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