• Hola chicos ! Me revoilà ! A quelques milliers de kilomètres du dernier article, puisque de l'Azerbaïdjan je suis passé au Pérou ! Changement radical de décor, de culture, d'entourage, comme vous pouvez l'imaginer. Et de continent, au passage. L'Amérique latine, ça faisait quand même une poignée d'années que j'en parlais...

    Je suis donc dans la ville de Chiclayo, au nord du pays, et ce pour une durée d'1 an au minimum. Je n'aurai cependant pas beaucoup de temps pour voyager étant donné que je travaille à l'Alliance Française à plein temps. C'est aussi pour cette raison que ce premier article a mis plusieurs semaines à arriver : j'ai beau m'efforcer, je ne parviens toujours pas à m'octroyer le don d'ubiquité !

    Avant d'arriver ici, j'ai fait un court passage à Lima, la capitale du Pérou. Cette étape était plus ou moins obligatoire dans le sens où les avions venant de l'étranger ne vont jamais directement à Chiclayo. Je suis resté 2 jours dans le quartier de Miraflores, chez un certain Fabian rencontré par le biais de Couchsurfing, une fois n'est pas coutume. Je me suis baladé un peu, la ville est sympa, mais trop grande pour moi. Oui, je sais, je dis ça à chaque fois que je passe dans une capitale... Mais il faudra vous y faire, parce que je ne compte pas changer de discours ! Les grandes villes, leurs transports en commun, leurs pollutions en tous genres (de l'atmosphérique à la sonore en passant par bien d'autres), très peu pour moi ! Ces deux jours constituèrent donc une durée idéale pour ma petite visite de Lima. Assez pour sillonner le centre-ville, voir quelques musées, et aussi la huaca Pucllana que j'ai trouvée assez impressionnante. (Une huaca est un lieu de sacrifice humain appartenant à des civilisations anciennes. Celle-ci est pyramidale et date de plus de 1000 ans). La voici :

     

     

    Vous remarquerez que les pierres sont posées à la verticale, contrairement à celles des pyramides habituelles qui sont à l'horizontale. La raison ? Plus de souplesse et donc une meilleure résistance aux tremblements de terre... Et oui, nous sommes en zone à risque !

     

    Après ça et une douzaine d'heures de bus, je débarque donc à Chiclayo où je suis accueilli très chaleureusement par la directrice de l'Alliance Française. Chiclayo est une assez grande ville, mais juste assez petite pour pouvoir se déplacer à pied sur la plupart des trajets. Au pire, il y a les taxis qui ne sont vraiment pas chers... Comme tout, d'ailleurs. Pour vous donner un ordre d'idées, les prix s'élèvent à peu près aux mêmes montants qu'en France, sauf qu'ils sont dans une monnaie 3,5 fois moins forte... On peut vivre avec 1000 soles, loyer inclus, si on n'est pas trop dépensier ; et 1000 soles, ça ne fait même pas 300 euros.

    Prendre un taxi dans Chiclayo revient à 3-4 soles selon le trajet et l'heure qu'il est. Et le plus ahurissant pour un nouvel arrivant, c'est le prix des restaurants. Les menus les moins chers descendent à 5 soles, et je vous jure qu'on mange très bien, avec entrée, plat et boisson ! En général, ils tournent à 8 soles, mais il y a bien sûr toujours moyen de trouver plus cher pour ceux que ça intéresse... Ce qui n'est pas spécialement mon cas étant donné que je tourne au salaire péruvien.

    Pour revenir aux taxis, il y a ici des taxis normaux, mais aussi ce qu'on appelle des moto-taxis. Voici une photo prise sur internet :

    Ils ont l'avantage d'être moins chers (si si, moins cher que 3 soles, c'est possible), mais au niveau sécurité je ne les conseille à personne. La conduite péruvienne est déjà en soi très particulière et sans véritable règle, mais les moto-taxis sont encore un cran au-dessus. En général, celui qui passe est celui qui s'impose, donc tout le monde joue l'intimidation en faisant mine de ne pas s'arrêter pour forcer les autres à le faire. On peut voir des voitures débouler sur des carrefours sans que la pédale de frein ne soit même effleurée, le conducteur préférant faire crier le klaxon pour annoncer qu'il ne compte pas changer d'allure. Et ça passe. Étonnamment, les accidents ne sont pas si fréquents que ça ; pas plus qu'ailleurs en fait. On entend pertinemment des klaxons, parfois des coups de frein, mais ça s'arrête là. Et j'avoue que c'est assez bluffant... J'ai un an pour comprendre leur secret !

    Autre découverte qui peut inquiéter lorsqu'on arrive au Pérou : l'insécurité. D'après ce que j'ai compris, il s'agit plus de vols que d'agressions. Les types en veulent à votre portefeuille et à vos éventuels objets de valeur, mais en principe ils ne vont pas jusqu'à vous cogner pour ça. Par contre, ils sont d'une habileté déconcertante pour ce qui est de vous subtiliser un sac ou un téléphone sans que vous ne remarquiez le moindre mouvement. Ainsi, en vous levant de votre chaise pour quitter un restaurant, vous pouvez vous rendre compte que le sac qui était à vos pieds pendant tout le repas a disparu. Et vous aurez beau revisionner mentalement le film de la demi-heure passée là, vous ne retrouverez pas un seul moment où qui que ce soit aurait bien pu passer à l'action... Ahurissant. Autre procédé, les vols à l'arraché sont aussi assez fréquents, et on recommande d'éviter de téléphoner en ville, ou alors de tenir fermement son téléphone (s'il ne parvient pas à le prendre, le type n'insistera pas). Quant aux taxis, il est conseillé de ne prendre que ceux qui appartiennent à une société, sous peine de se faire embarquer en bordure de la ville et se faire dépouiller par 3 bonhommes...

    Alors bien sûr, tout ça semble un peu effrayant, et même franchement désagréable au quotidien. Toujours faire attention, jamais tranquille, de la suspicion au moindre regard un peu insistant de la part de n'importe qui de potentiellement louche... Mais dans les faits, très honnêtement, on est vite indifférent. Il faut juste prendre le coup, et une fois qu'on est réglé sur l'attitude prudente, on n'y pense même plus. Evidemment, il ne faut pas s'amuser à exhiber un I-phone au milieu d'un parc à 23h, ni se promener au marché avec un sac à main entrouvert. Mais ce genre de restriction n'est somme toute pas d'un niveau liberticide franchement élevé, et comme je disais, on s'y fait très rapidement. Reste à savoir comment je réagirai quand je me ferai tirer mon ordinateur, mais ça, c'est une autre histoire !

    Pour parler de choses un peu plus agréables, revenons aux restaurants. Pour commencer, il y en a 3 dans Chiclayo qui sont totalement végétariens, ce qui n'est pas pour me déplaire, comme certains d'entre vous s'en doutent. Il y en a par ailleurs quelques autres qui mettent systématiquement un choix sans viande dans leur menu du jour. Dans les autres, je prends du poisson, c'est la seule solution pour éviter la viande.

    Mais ce dont je veux parler surtout, c'est des jus de fruits péruviens. Oubliez les briques de jus industriels truffées de colorants, conservateurs et je ne sais quoi d'autre... Ici, c'est 100% naturel, et même fait maison. Et là, très franchement, on redécouvre complètement ce quelque chose qu'on pensait banal et routinier : les jus de fruits ! Un délice ! Jus de mangue, jus de fruit de la passion, jus de papaye, bien sûr, puisqu'on est en Amérique du sud, mais même leurs jus d'orange, de banane ou d'abricot, qu'on pensait déjà connaître, sont à tomber par-terre. Avec le vrai goût de fruit, son épaisseur, et tout ce qu'il peut apporter de meilleur au corps. Une grande (re)découverte, et en toute simplicité !

    L'autre découverte que je suis censé faire et dont je me dispenserai sans regrets, c'est celle du cuy. Le cuy, c'est le cochon d'inde... Ils l'appellent comme ça à cause de bruit de l'animal... Et ils le mangent. Certains restaurants en ont même fait leur spécialité. Si l'idée vous intrigue et que vous voulez en savoir plus, il faudra venir au Pérou et aller goûter par vous-mêmes, parce que moi je n'aurai jamais rien de plus à vous en dire ! Et puis vous passerez me voir, tant que vous y êtes, non ?

     

    Non pas que je vous aie déjà tout raconté, mais je crois que je vais arrêter là ce premier aperçu de Chiclayo et en garder un peu pour plus tard. J'ai aussi fait une virée de 3 jours dans une autre ville qui s'appelle Cajamarca, mais ça ressemblait plus à du tourisme qu'à mes vadrouilles habituelles, donc rien d'intéressant pour le blog. Quelques photos quand même, que je vous mets pour clore cet article. Mon problème ici, c'est que la moindre visite d'un monument ou d'un lieu connu inclut un guide dans son prix... Ce qui transforme n'importe quelle espèce de routard en touriste suivant son guide et le groupe qui lui a été confié. Un peu frustrant, pour être honnête. Même si ça n'enlève rien à la beauté des endroits, bien sûr...

    Bon, c'est pas le Pé... Ah ben si !

    Cajamarca, à 2700m d'altitude.

     

    Bon, c'est pas le Pé... Ah ben si !

    Le "mini Machu Picchu", fait de manière naturelle de lave durcie.

    Bon, c'est pas le Pé... Ah ben si !

     

    Bon, c'est pas le Pé... Ah ben si !

     Tombes incas

     

    Bon, c'est pas le Pé... Ah ben si !

    Et la petite touche humoristique. Partir à l'autre bout du monde pour trouver une fromagerie des Alpes !

    Bon, c'est pas le Pé... Ah ben si !

     

    Allez, je reviens vous raconter d'autres trouvailles d'ici peu. A bientôt ! 


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  • Hola compañeros! Comme annoncé, je vous livre bien peu d'articles ces temps-ci, mais un de temps en temps ne fait quand même pas de mal. Il se trouve que j'ai vraiment peu de temps pour faire autre chose que travailler... ce qui est un peu dommage, d'ailleurs, et croyez-moi, j'y réfléchis...

    Toujours est-il que je suis parvenu il y a peu à m'organiser un weekend à Cuenca, en Equateur. Je suis parti avec Quentin, un pote français qui travaille aussi à l'Alliance Française de Chiclayo. Un bus de nuit à la sortie du travail, et hop, nous voilà en terre équatorienne le samedi, sur les coups de 6h30 du matin.

    Un ami m'a décrit Cuenca comme étant "ben une ville, quoi". Ah. Juste ça ? J'ai dit que tant pis, je voulais y aller quand même. Et me voilà. Sauf que rapidement, je me surprends non pas à m'accommoder passablement de cette ben-une-ville-quoi, mais tout simplement à adorer l'endroit, que je ne connais pourtant presque pas. Sans aller chercher dans de la description sophistiquée, je me sens bien ici, voilà tout.

    Quand on ne s'attend à rien de spécial, on se satisfait de tout ce qui vient, remarqueront certains. Mais ce n'est pas juste ça, et je ne mets pas beaucoup plus de temps à le comprendre. C'est simplement que cette ville est bien plus agréable que Chiclayo : plus jolie, plus tranquille, plus aérée, plus accueillante... Un véritable bol d'air, d'autant plus surprenant que je ne me doutais pas du tout que j'en avais besoin. Je me croyais content, moi. Drôle de sentence, quand on y pense. Je réalise ni plus ni moins que le décor dans lequel j'évolue depuis 3 mois ne m'enchante pas du tout d'une part, et d'autre part que j'ai passé toutes ces dernières semaines à refuser de me l'avouer. Tête dans le guidon.

    Après un excellent petit-déjeuner dans l'auberge de la Cigale, conseillée par un taxi et futur QG du weekend, nous foulons les trottoirs de la vieille ville. La grande place à proximité de l'auberge, avec ses 2 cathédrales, et la petite place des fleurs, juste à côté, exclusivement destinée à héberger quotidiennement une dizaine de stands de fleuristes. Petit plaisir visuel et olfactif au passage.

    Dans le bus de ville, nous sommes un peu stupéfaits de constater que le paiement se fait par une machine. Et encore un peu plus stupéfaits lorsque ladite machine ne nous rend pas la monnaie... Se fait alors entendre la voix d'une petite dame toute souriante qui nous explique que nous devons simplement attendre le prochain passager. Nous lui tendrons la main, et au lieu de payer la machine, il comprendra que nous attendons notre monnaie et qu'il doit donc nous payer nous. C'est comme ça, c'est le système admis. Et effectivement, c'est ce qui se passe quelques minutes plus tard. Nous sourions à notre tour : ce système est génial d'honnêteté et de simplicité ! Et la manière dont cette femme s'est adressée à nous aussi.

    Au fil de la journée, alors que nous visitons des villages alentours, nous mesurons l'étonnante gentillesse des gens. Tous nous répondent avec le sourire et nous donnent plus d'informations que nous n'en demandons. Au milieu d'une petite rue à pied de colline où l'on s'attend à ne rien trouver d'autre que de la tranquillité, nous apercevons un espace à moitié couvert où il semble que l'on serve à manger. Sourires sur les visages lorsque nous entrons : ça ne doit pas être souvent que 2 gringos* arrivent jusqu'ici. Re-sourires lorsque je demande une assiette sans viande : ils sont surprenants, ces Occidentaux ! Du coup, ils servent la même chose à Quentin, qui n'est pas spécialement végétarien mais accepte son assiette sans sourciller. Nous paierons en tout et pour tout 2$ (l'Equateur est au dollar américain) au lieu de 8, un prix improvisé par nos hôtes et qui pourrait correspondre à quelque chose comme le tarif "gringo végétarien". Adorable en somme !

    * Je me rends compte en relisant que je vous sors le mot "gringo" comme ça, brut d'explication, comme une évidence. Pour ceux qui ne connaîtraient pas, c'est ainsi qu'on appelles les Blancs en Amérique latine. Le terme peut être péjoratif ou pas, selon comment il est dit... Son étymologie est d'ailleurs très intéressante puisque 3 explications sont envisagées :

    - Premièrement, ça pourrait être une déformation du mot "griego" (= grec), et par conséquent désigner ceux qui parlent un langage incompréhensible.

    - Deuxièmement, ça pourrait tout aussi bien venir de l'anglais "Green go", sachant que les militaires américains qui passaient en Amérique du sud dans l'histoire portaient des uniformes verts. Deux interprétations s'opposent alors :

                   - Soit le terme "Green go" est extrait d'une chanson entonnée par ces militaires pour se donner du courage. Les Latinos auraient alors commencé à les surnommer "gringos" en entendant ce chant à répétition.

                    - Soit c'est une appellation inventée par les Sud-Américains signifiant "les verts, partez !". "Green, go!", "gringo".

    Au retour à Cuenca, nous partageons un taxi avec une fille, et une fois à bord nous rendons compte que nous sommes tous 3 français. Elle vit à Machala, sur les côtes équatoriennes, où elle enseigne le français à des enfants. Elle va boire un verre avec d'autres Françaises et nous propose de la suivre, ce que nous acceptons volontiers. Nous passerons la soirée avec elles, notamment à danser au "Zoociedad", un bar très sympa qui nous gardera jusqu'aux environs de 4h du matin.

    (Je voudrais ouvrir une parenthèse à propos de cet épisode. Il est plus ou moins admis chez les routards et les "alternatifs" que lorsque l'on voyage, c'est pour rencontrer des locaux, et que de rester avec d'autres Français n'est rien d'autre qu'une perte de temps. Il y a quelques années, je pensais moi-même ainsi. Certains jetteraient un œil presque méprisant à celui qui tolérerait des amitiés franco-françaises en dehors de nos frontières.

    Eh bien avec l'expérience, je peux dire que cette manière de penser n'a pas beaucoup de sens. Lorsque l'on prend la route, on cherche certes à entrer en contact avec les habitants des villes qu'on traverse, mais on est tout aussi heureux de rencontrer d'autres voyageurs. Et qu'importe d'où ils viennent ! Nous qui sommes les premiers à transpercer les frontières comme si de rien n'était, devrions-nous ensuite être les premiers à faire de la discrimination anti-Français une fois à l'autre bout de l'océan ? Ça ne tient pas.

    Un voyageur est intéressant de par son parcours, sa personnalité, peut-être ses idées, mais en général pas par les inscriptions qui décorent sa carte d'identité. Voilà, il me fallait glisser ça au passage. Fin de la parenthèse.)

    Le lendemain, départ pour le parc naturel d'El Cajas après une courte nuit à l'auberge. Le parc est gigantesque (voir les photos sur Google Images) et offre la possibilité de plusieurs balades plus ou moins tranquilles. Enthousiastes malgré la fatigue, nous optons pour la plus difficile (qui n'est pas si redoutable que ça, si ce n'est que la première heure est bien raide). Mine de rien, nous sommes à plus de 4200m d'altitude au point culminant de la randonnée, ce qui peut paraître impressionnant du point de vue européen mais est finalement assez commun en Amérique du sud. La ville de Cuenca étant déjà à 2500m, on peut concevoir qu'une virée dans les hauteurs nous fasse vite passer les 3000 puis les 4000.

    Pour rentrer du parc, le système de bus étant capricieux, nous faisons du stop. Une petite famille nous embarque rapidement, tout aussi sympa que tous les gens rencontrés à Cuenca jusqu'ici.

    Le soir, il est déjà temps de repartir vers Chiclayo dans notre bus de nuit. Le séjour fut bref mais vraiment agréable, fait d'explorations vivifiantes et de rencontres rafraîchissantes. Sûr que ça donne des envies d'encore, et je rentre avec la ferme intention de me dégoter plus de temps pour m'esquiver à l'avenir. Ça me donnera aussi l'occasion de vous écrire un peu plus souvent !

    Allez, à plus tard !


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  • Salut par ici !

    Et bonne nouvelle d’emblée : j’ai repris la route ! Fini ma mission de prof à Chiclayo, c’est donc parti pour 2 mois de vadrouille à travers le Pérou avant le retour en France. Vous savez ce que ça veut dire pour vous, pas vrai ? Bingo, 2 mois de lecture ! Et ça commence incessamment sous peu.

    D'ailleurs, en parlant de commencer, z’avez vu le titre ? Pourquoi j’ai bien pu mettre ça, vous vous dites ? Eh bien très bonne question, je vous en félicite. Il y a plusieurs réponses. D’abord, c’est un clin d’œil à cette phrase que j’aime beaucoup et qui me sert de devise : découvre le monde pour te découvrir toi-même. Ensuite, c’est parce que le Pérou  est tellement vaste et diversifié, que ce soit au niveau des paysages, des cultures, des climats etc., que vous tombez forcément sur des choses, des endroits et/ou des gens qui vous feront apprendre sur vous-même. Pas possible autrement. Et pour finir, ce titre évoque également cette plante médicinale qu’on appelle l’ayahuasca, et dont la puissance est assez ahurissante. Mais ça, on en reparlera bientôt…

    Avant de commencer, je dois vous faire une confession. J’ai honte, j’ai honte… Bon allez, je vous le dis. Voilà : j’ai voyagé sans rien vous écrire. Oui, je sais, c’est infâme, c’est intolérable. J’ai fait l’Equateur pendant mes vacances de Nl, et je n’ai rien mis sur le blog. Faute à trop de travail dès la rentrée et pas le temps de rédiger tout ça… Et puis les semaines ont passé, l’idée s’est fait oublier… Bon, faute avouée, à moitié pardonnée, hein ? Et je m’en vais me la faire deuxième-moitié-de-pardonner dès tout de suite maintenant, vous allez voir… Hein ? Promettre de ne jamais recommencer un truc pareil ? Bon, oui, ça va, ça va, je promets.

    Par contre, ne vous attendez pas au type de récits factuels auxquels je vous ai habitués jusqu’ici, avec le détail de chaque journée, tous les lieux, rencontres, péripéties… Je ne peux évidemment pas conserver un tel niveau de précision sur une durée de 2 mois, quand on voit la place que peuvent déjà prendre 10 jours... Ou j’écris directement un roman !

    Pour ce tour du Pérou, 2 changements vont donc être opérés dans ma manière de vous rendre compte de mes pérégrinations. D’une part, les récits factuels détaillés d’antan laisseront place à des passages de mon expérience que je choisirai moi-même ainsi qu’à tous genres d’observations et réflexions qui me viendront au fil de mes avancées. Le tout sera donc forcément moins exhaustif, mais aussi mieux sélectionné, puisqu’il y aura plus de choix. D’autre part, au lieu de tout écrire après coup comme je l’ai toujours fait pour les autres virées, je vais cette fois rédiger mes articles au fil du voyage, jour après jour, de sorte à ce qu’au moment de l’écriture je sois encore proche des moments que je raconte et des sensations et réflexions que je décris.

    Allez, assez parlé, on embarque !

     

    04/04

    Ça fait toujours bizarre de vider sa chambre et faire ses sacs, même quand ça fait plusieurs semaines qu’on en éprouve l’envie. Je tourne la page Chiclayo, de nouveau je me sépare de gens, d’habitudes, de lieux, d’un quotidien en somme. Comme toujours, me dira-t-on peut-être. Oui, c’est mon mode de vie qui veut ça, mais on ne s’habitue pas à ce genre de choses ; la sensation de l’adieu revient intacte à chaque fois, toujours aussi prenante. Une espèce de mélange entre la mélancolie et le trac, auquel quelque part on s’attache étrangement. Je crois que l’exact contraire de la routine doit se trouver quelque part par là, dans ce genre d’émotions.

    J’ai pris le bus pour Trujillo, 3h30 de trajet vers le sud. Et en l’espace de la soirée qui a suivi, j’ai déjà fait 2 rencontres sympas. D’abord, une vendeuse de bijoux artisanaux qui s’est révélée être grecque. Ceux qui connaissent mon attachement à la Grèce imagineront ma réaction ! Je suis bien sûr resté un petit moment à discuter avec elle. Et puis un gars du coin est venu me parler alors que j’étais assis à la place centrale. Il m’a posé des questions sur mon voyage, sur la France, il m’a donné des infos et conseils utiles sur la ville. Je crois qu’il cherchait surtout à retarder son retour chez lui ce soir parce qu’il s’était disputé avec sa copine… N’empêche que de discuter comme ça avec un inconnu donne toujours le sourire.

    Avec ces 2 petites rencontres, moi, je me sens arrivé à bonne destination. Trujillo m’inspire tout autre chose que Chiclayo. Les gens sont plus agréables, la ville est plus tranquille, je m’y sens « mieuxvenu ». C’est du moins ma première impression après quelques heures ici… Demain, je verrai la ville de jour !

     

    05/04

    C’est bon, d’être de nouveau routard ! Surtout quand les surprises sont bonnes. Je confirme : Trujillo n’a rien à voir avec Chiclayo. Ici, les gens te parlent, gringo ou pas gringo, et souriants avec ça. Il y a fort à parier que le reste du pays soit pareil, d’ailleurs. J’aurais été bien bête de me faire une image du Pérou à partir de 9 mois dans une seule ville ! Chiclayo qui plus est… Et le comble, je vous le donne Emile, comme dirait Coluche, c’est que Chiclayo est surnommée « la capital de la amistad » (la capitale de l’amitié). Si c’est de l’humour, c’est d’un degré qui m’échappe !

    Me voilà aujourd’hui dans une auberge très agréable (hier, j’avais pris la première qui venait, c’était déjà le soir), avec des voyageurs de plein de pays (beaucoup d’Argentins), à discuter avec les gens, à voir des endroits bluffants. Pour n’en citer qu’un, ce musée zoologique où sont exposés des animaux terrestres et marins de toutes sortes. Un endroit incroyable avec des bestioles aux apparences complètement surréalistes, notamment chez les poissons ; et l’impression déstabilisante et excitante à la fois de les avoir réellement en face de soi.

     

    Vous connaissez, vous, le poisson hérisson ? (photo prise sur Google)

     

    Et le poisson aiguille ? (Google toujours)

    Bref, une virée géniale.

     

    S’il me manque une chose, je l’ai déjà pensé à d’autres occasions mais je ne crois pas l’avoir écrit ici, c’est quelqu’un avec qui partager tout ça. Quelqu’un qui voie ce que je vois, qui marche où je marche. Ce n’est pas un manque de premier plan, dans le sens où voyager seul offre aussi une liberté inestimable, une possibilité de suivre ses envies, intuitions, humeurs, besoins, à 100% et sans hésitation superflue. Et ça, c’est précieux, ça relève du luxe. Mais j’ai aussi parfois l’envie de sentir quelqu’un vivre les choses avec moi, parfois quelqu’un en particulier, parfois juste quelqu’un. C’est que voyager libère des décharges émotives qui sont parfois beaucoup pour un seul homme… C’est peut-être aussi une raison d’être de ce blog.

     

    06/04

    Des envies de m’isoler, aujourd’hui. De la musique, du papier, un stylo, une bière, et me voilà dans les hauteurs de Huanchaco, voisine de Trujillo, mais en bord d’océan. J’ai emprunté à cette occasion une de ces rues qu’on trouve dans toutes les villes du Pérou sans forcément les remarquer, en bordure, pas goudronnées, pauvres en fait, et où un voyageur passe tous les 36 du mois, les bonnes années. On y voit les vraies maisons, pas juste les jolis logements du centre, et les vrais habitants, pas juste les vendeurs ; on reçoit leurs regards surpris, parfois jugeurs, souvent curieux. Encore plus avec la musique sortant du sac à dos, d’ailleurs.

    Ceux qui connaissent mon côté mélomane presque maladif (une maladie très sympa, je vous la conseille) seront contents d’apprendre que j’ai acheté un lecteur portatif pour 30 soles (8-9 euros) sur lequel j’ai mis 8 Go de toutes les musiques dont je suis susceptible d’avoir envie pendant les semaines à venir… De quoi savourer par anticipation ! Surtout les jours comme aujourd’hui, vous l’aurez compris, où l’humeur est à regarder la mer.

    Trouvé au milieu de rien, dans les hauteurs de Huanchaco

     

    En fin de journée, je me suis renseigné sur la possibilité de trouver un studio d’enregistrement à Trujillo. Avant de partir, j’irais bien chuchoter 2-3 rimes au microphone…

     

    08/04

    On va oublier l’histoire du studio… J’y suis bel et bien allé, ça oui, mais rien à tirer de cet endroit. Mauvaises conditions d’enregistrement, mauvaise qualité de son. Tant pis, je ferai des sessions à Chiclayo quand j’aurai fini de vadrouiller. J’aurai peu de temps, mais au moins je saurai où je mets les pieds !

     

    10/04

    Je me suis un peu trop attardé à Trujillo à mon gout : la preuve, j’y suis encore ! Faute aux bonnes rencontres. J’ai plus fait la fête qu’exploré quoi que ce soit ces 2-3 derniers jours. C’était sympa, certes, mais maintenant j’ai envie de prendre le bus, de ne pas savoir où je dormirai le soir, d’être surpris des sols que je foule. Demain, je pense me diriger vers Cajamarca, une ville que je connais déjà mais qui me servira surtout d’étape pour monter à Chota puis Cutervo, où j’ai rendez-vous avec des amis pour aller passer quelques jours dans leur village. Ensuite, direction le sud, où se trouvent tous les incontournables du Pérou, dont le Machu Picchu et le lac Titikaka. J’espère vous montrer de belles photos de tout ça. Plus tard, une petite virée dans la jungle s’imposera, mais pas trop loin, je n’ai pas les vaccins…

     

    Vestiges de la civilisation Moche (prononcer "Motché"), à Trujillo

     

    11/04

    Le Pérou (peut-être l’Amérique latine en général) a cette particularité de changer de climat d’une ville à l’autre. Lorsque j’enseignais le français à Chiclayo, je me rappelle avoir été plusieurs fois surpris de constater qu’au moment d’aborder le thème des saisons, les étudiants n’étaient pas capables de définir exactement ni les saisons ni leurs périodes. Au début, j’ai trouvé ça très étrange, je me suis dit qu’ils n’utilisaient peut-être pas le concept de saison… En fait, c’est simplement que rien n’est vraiment fixe ici, tout change selon les régions.

    Ainsi à Cajamarca les saisons sont-elles inversées par rapport aux villes de la côte. La saison des pluies arrive à contretemps, tout comme les températures maximales et minimales de l’année. Un phénomène étonnant pour des villes pourtant du même hémisphère ; et si d’ailleurs quelqu’un était en mesure d’en décrire les rouages, qu’il le fasse en commentaire, ça m’intéresse !

    C'est une histoire de 150km à vol d'oiseau...

     

    Tout ça pour vous dire que je me suis comme prévu laissé aspirer dans le bus aujourd’hui, que je suis arrivé à Cajamarca, et qu’il y fait bien plus frais qu’à Trujillo. Mais comme ça doit faire bientôt 1 an que je n’ai pas connu le froid (autre que celui de certaines attitudes à Chiclayo, mais voilà un autre sujet…), un peu d’air frais des montagnes ne peut pas être de refus !

     

    12/04

    Aujourd’hui, je veux compléter mon paragraphe d’il y a quelques jours sur le voyage en solitaire et le regret, parfois, de ne pas être accompagné. Comme les lecteurs les plus fidèles et attentifs d’entre vous le savent déjà (levez pas la main, bande de fayots !), je suis déjà passé à Cajamarca il y a une dizaine de mois. Mais en groupe. Non pas qu’il se soit agi de gens désagréables, bien-loin-de-là-tout-au-contraire, mais je me rends compte aujourd’hui que j’apprécie mieux la ville seul. Je passe par des endroits où je n’étais pas allé avant, je suis mon rythme, mes choix du moment, ma manière faussement désorganisée d’enchainer les évènements. Mon style, en somme.

    Il y a très peu de personnes avec qui on peut faire ça, donc très peu de personnes avec qui je pourrais vraiment prendre la route. Ou alors peu de temps… Il faut quelqu’un qui soit dans le même état d’esprit, qui fonctionne au même rythme et qui cherche des choses similaires. Sinon, c’est débat sur la moindre petite décision de la journée, débouchant sur frustration de l’un qui devra se plier à la volonté de l'autre et vice-versa. Z’imaginez un peu la dégaine de mon blog une fois changé en poste de rediffusion de scènes de ménage version routarde ? Dites-moi que vous ne voulez pas voir ça ! Parce que moi non plus.

    A Trujillo, j’ai failli partir 2 jours avec un autre voyageur pour une expédition un peu lointaine, mais j’ai fini par faire machine arrière. Plus je discutais avec le gars, sympa au demeurant, moins j’avais envie de cette virée. Le déclic, et ça illustre très bien mon propos du moment, c’est lorsqu’on marchait dans la rue et qu’il m’a répété 3 fois que j'avançais trop vite, la 3ème fois ponctuée par un « ça me soule » appuyé. Bon, ben moi je pars dans une autre direction en fait. Bonne route !

    (à suivre...)


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  • 13/04

    Chota. Arriver dans une ville où chaque personne que vous croisez vous regarde comme un extraterrestre tombé de son vaisseau, évidemment, n’a rien de très agréable. On pourrait croire que les routards sont rodés à ce genre de choses, qu’ils passent bien vite au-dessus avec un petit sourire amusé. Eh bien les autres, je ne sais pas, mais moi, non. Les vieux qui lorgnent sans complexe, les ados qui chuchotent et éclatent de rire, les autres qui tournent la tête plusieurs fois pour vérifier leur vision… Ben ouais, c’est bien un gringo qui marche dans tes rues, Machin. Mais il ne va pas y marcher longtemps si on lui fait sentir si intensément qu’il est ici pas-chez-lui, vois-tu.

    Ça et les fausses indications quand je demande mon chemin… « C’est un peu plus par là-bas », qu’ils disaient. Sûr que pour le coup, j’ai bien visité la ville, bien vu toutes les rues, pas de doute ! Et le type qui veut me faire payer plein tarif alors que je descends à mi-chemin… Bref, on n’est pas le bienvenu à Chota, autant le savoir. Heureusement, il y a eu cet autre gars, la soixantaine, moustache par-dessus la bouche, regard pétillant, vendeur de sucreries dans un coin de la place centrale. Lui, oui, vraiment accueillant, et gentil, juste gentil. On a un peu parlé, et à 2 ou 3 reprises il m’a donné des infos que je ne savais plus où demander. Les optimistes diront que c’est lui qu’il faudra retenir de Chota. Moi, je me contenterai de souligner qu’il était là et heureusement !

     

    14/04

    Cutervo. J’ai dormi dans un de ces hôtels, mes amis… Ajoutez des fenêtres, ça fait une prison ! Je ne sais pas ce qui m’a pris de prendre ça. Ah, si, je sais : j’ai payé avant de voir la chambre. Une erreur que je ne reproduirai plus, case cochée d’avance ! 4 murs gris, un lit, une chaise, point final. Même pas une table ! C’est-à-dire que quand tu rentres, tu ne sais même pas où poser tes clefs, ton téléphone ou quoi que ce soit… Toilettes et douches collectives, soit une pièce de 1,5x1,5m pour tout l’étage avec un chiotte, une douche, un lavabo type schtroumpf à talons. De toute façon, comme ils ne vous donnent ni savon, ni serviette, ni PQ, vous n’avez aucun raison de vous y attarder, c’est plus simple comme ça. Là où ils sont généreux, par contre, c’est sur l’odeur. Alors là, oui, tout le monde profite, c’est inclus dans le prix, comme qui dirait « all inclusive », le grand déballage. Vous repartez avec un odorat remanié, c’est de la chirurgie alternative, une autre manière de se faire refaire le nez, quoi.

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (2/4)

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (2/4)

    Ca a l'air à peu près lumineux, ne vous y trompez pas, c'est le flash de l'appareil photo !

     

    Du coup, je vous laisse visualiser mon humeur au réveil… Pas fameuse, non. Fumeuse, plutôt. Heureusement, le petit-déjeuner du marché (un jus de fruit maison, un café, un bon morceau de pain avec du fromage : 2,50 soles, soit 0,70€, je ne m’en lasserai pas !) me remet droit sur mes pattes, et je décide de changer immédiatement d’hôtel avant qu’ils engagent un maton. Je sais, il est même pas 9h du matin, mais c’est comme ça. 20 minutes plus tard, je suis à l’hôtel d’en face, dans une chambre à 25 soles au lieu de 15, mais qui a le mérite d’évoquer davantage un logement de passage qu’une cellule de Fresnes, ce qui n’est pas complètement sans importance.

    Par chance, le type de l’hôtel n’a pas juste des chambres sympas, mais aussi un peu plus de conversation que les autres gens à qui j’ai parlé jusqu’ici. Ainsi, lorsque je demande des conseils sur quoi visiter et où me promener dans le coin, il ne se contente pas de régler la question par un « oh, par ici, pas grand-chose » pourtant très à la mode. Non, lui, probablement sur un éclair de génie, prend la folle initiative d’ajouter : « il faut sortir un peu de la ville ». Ah ! C’était donc ça la subtilité ! On est forcé d’admettre que les autres n’avaient définitivement aucune envie de m’aider ! S’ensuit une conversation principalement menée par ma curiosité, et qui m’emmènera passer la journée à Sócota, marcher un peu en montagne.

    Ce que je retiens de Sócota est un peu rassurant quant à la manière dont les étrangers sont accueillis ici. Rien à voir avec Cutervo ou Chota. A peine descendu de voiture, on me demande où je veux aller, certes pour me proposer des moto-taxis, mais aussi pour m’indiquer vers où me balader. Et une fois en montagne, tout le monde me salue en souriant, voire me pose des questions, du simple « comment ça va ? » aux « tu viens d’où ? », « tu vas où ? » etc. Eh bien moi, à ce moment-là, je peux vous dire que je prends un vrai bol d’air ! Physique comme moral !

    Au bout d’une heure de marche, une moto s’arrête à côté de moi, le type veut me parler, mais le ton est plus sérieux. Il m’avertit que plus loin sur ce chemin, je peux me faire dépouiller, que c’est une zone un peu dangereuse depuis très peu de temps et que je ne devrais donc pas m’aventurer trop loin. Je comprendrai plus tard que cette zone se situait en fait à 3 bonnes heures de marche. Mais merci d’avoir prévenu, ne serait-ce que par principe. Aujourd’hui, on s’adresse à moi autrement qu’en se demandant ce que je peux bien faire là, et ça me fait plaisir.

    Le soir, je rentre à Cutervo de bonne humeur, complètement jmenfoutiste quant à l’avalanche de regards et aux quelques rires qui me tombent dessus à chaque coin de rue. Finalement, peut-être qu’on finit par s’habituer ?

     

    16/04

    Hier, je suis parti me promener dans les hauteurs de Cutervo, tout simplement, sans demander de conseils. Et de qu’est-ce que je m’aperçois-je, comme dirait Coluche ? Eh bien les photos le diront mieux que moi :

     Tour du Pérou, tour de soi-même ! (2/4)

     D'abord, un petit chemin rien de plus normal.

    Et puis tout à coup :

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (2/4)

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (2/4)

    Non, ce n’est pas de la neige ! Une étendue de sable blanc sortie de nulle part. Le fait de ne rien chercher de spécial, l’effet de surprise totale, avec en supplément ce brouillard venu mystifier l’ambiance, je suis resté bouche bée ! Déboussolé, j’étais. Et puis seconde réaction, dans les instants suivants : comment est-il possible que les gens de Cutervo arrivent à affirmer sans ciller que « par ici, bof, pas grand-chose à voir », alors qu’ils ont ça à même pas 30 minutes de marche ? Faut-il définitivement penser que c’est par mauvaise volonté ? Si, comme je l’ai entendu, la région compte développer le tourisme, alors il y a du chemin à faire… Le fait que je doive partir marcher au hasard pour trouver les coins intéressants veut dire beaucoup. Et puis il est tout à fait permis d’imaginer que j’aie pu rater d’autres endroits de cet acabit simplement par manque d’informations… Bref, souhaitons-leur d’arriver à faire évoluer tout ça !

     

    17/04

    Je ne sais plus où me mettre ! Vous vous souvenez que je devais rejoindre des amis péruviens pour aller passer 2-3 jours dans leur village, San Andres, à proximité de Cutervo ? Eh bien j’y suis. Et en dehors du fait que le coin soit très joli (petit village au milieu d’une vallée verdoyante), j’ai la chance de me retrouver au cœur d’une famille d’ici et de vivre avec eux pendant 3 jours. Evidemment, cette expérience m’enchante et c’est bien la première chose que je dois vous dire. Mais vraiment, je ne sais plus où me mettre !

    C’est que la famille a son quotidien, et ses membres des rôles. Après le petit-déjeuner, les femmes s’occupent de la maison, les hommes partent faire leurs affaires chacun de son côté. Et moi, bon, a priori je suis plutôt un homme. Mais je n’ai pas particulièrement d’affaires qui m’appellent, si ce n’est vous pondre un paragraphe par-ci par-là... Ce qui du coup me laisse par défaut aux côtés des femmes. Et là, accrochage culturel intéressant : ne pas participer à leurs activités domestiques me semble impoli voire machiste, mais y participer revient à sortir de mon rôle et donc à déjouer les normes en place. Ce qui fait que, quoi que je fasse, je sens mon attitude déplacée. Je ne sais plus où me mettre, que je vous dis !

    Alors évidemment, ça ne fait pas 24 heures que je suis là ; ce que je raconte là, c’est une histoire de réglage à trouver, rien de plus. Ce qui est dommage, c’est que je n’aurai pas le temps de trouver ce réglage : dans 3 jours je serai déjà loin (mes amis eux-mêmes retournent à Chiclayo, où ils étudient). L’expérience n’en est pas moins riche bien sûr, le simple fait d’être perdu en est la preuve, et je ne suis rien d’autre qu’une espèce d’anthropologue informel, soit tout ce que j’aime. Du coup, je vous en dirai probablement plus demain ou après-demain.

    En attendant, comme mes découvertes ne se résument pas à la famille chez qui je réside, petite page culturelle. Ici comme chez nous, la police ne remplit pas pleinement son rôle, pour le dire gentiment. Mais elle ne l’outrepasse pas non plus, ce qui par contre constitue une différence notable avec la police française (soit dit en passant, je ne dis pas ça pour lancer des piques, je décris ce que je vois en utilisant ce que je pense, avec pour seul souci la clarté de l’explication). Du coup, elle n’est pas malaimée comme chez nous, elle suscite avant tout l’indifférence, d’après ce que j’ai compris. Par contre, son inefficacité étant avérée, on lui crée des alternatives. En effet, les villages ont tous des « rondas », c’est-à-dire qu’ils s’organisent pour entretenir la sécurité eux-mêmes, le peuple. Vous vous souvenez de la mise en garde que j’ai reçue dans la montagne il y a 3 jours, sur le risque de me faire agresser et dépouiller ? Eh bien plus de problème, mes amis, les types sont morts ! Les rondas de plusieurs villages se sont réunies, 300 types sont montés chercher les trouble-fêtes, et terminé. Par souci d’honnêteté, je dois préciser que la version officielle est : « ils ont réussi à s’échapper ». Mais la famille chez qui j’habite m’a assuré que cette formulation n’a pas d’autre traduction possible que : « on a réglé leur compte à ces emmerdeurs, mais on ne peut pas se permettre d’en faire une info officielle ». Ainsi fonctionnent les rondas depuis toujours.

    Alors qu’en penser ? Evidemment, j’aime personnellement beaucoup l’idée que le peuple lui-même s’organise : c’est la démocratie à la racine, on ne peut pas faire plus. Là où on (…)

     

    18/04

    (…) peut tiquer, c’est sur le poids de la sentence : se faire refroidir pour quelques agressions, oui, ça parait excessif. Et en même temps, on peut aussi prendre la situation dans l’autre sens : quand on connait les règles du pays, quand on sait comment réagissent le peuple et ses rondas, quelle idée d’aller s’amuser à dépouiller les passants et même les voitures juste au-dessus du village ? Oui, il faut être un petit peu attardé ; ou suicidaire, comme deuxième alternative.

    Du coup, j’aurais tendance à penser que lorsqu’on connait les règles, on ne peut pas s’étonner de les voir appliquées, tout bêtement. Ce qui reste discutable, ce sont les règles elles-mêmes, c’est vrai, mais ça, d’une civilisation à une autre, d’une époque à une autre, n’est-ce pas une question éternelle ? Car pleine de subjectivité. Sûr que pour la plupart d’entre nous Français, la peine maximale dégainée si facilement, ça fait grimacer. Mais puisque c’est leur façon de penser, qui d’autre pourrait avoir son mot à dire ? Non, personne.

    Tout ça pour dire qu’après avoir pris le temps d’y penser, malgré une réticence au départ, j’aime bien l’idée des rondas. J’imagine les 300 types : « une poignée de crétins nous agresse un à un à quelques centaines de mètres du village, allons régler ça tous ensemble ». Et finalement, ça me parle bien plus que d’aller déposer une plainte dans un commissariat. Un individu nuit au groupe, le groupe répond. On est dans un schéma nettement plus proche de quelque chose qu’on appelle parfois la « nature humaine », mais qui, selon les points de vue, pourrait tout aussi bien s’appeler « nature », « humanité » ou je-ne-sais-quoi-d’autre. La question suivante serait : faut-il chercher à discipliner la nature humaine, ou la laisser pleinement s’exprimer ? Mais là, vous pouvez m’attendre, je ne rentre pas dans ce genre de débat !

     

    19/04

    Des petites choses aujourd’hui. La première, les nouvelles ont changé sur les agresseurs. La ronda en a en fait tué 1, les 2 autres ayant été trainés aujourd’hui sur la place centrale devant tout le village pour que tout le monde connaisse bien leur tête, et aussi apparemment pour décider de quoi faire d’eux. Sans surprise, on les a tout simplement amenés à la police, en soulignant au passage que ça aurait dû être son rôle, à ladite police, d’aller attraper les types.

     

    Deuxième chose, j’ai visité la plus grande grotte d’Amérique ! Figurez-vous que c’est un endroit qui passe complètement inaperçu aux yeux du monde entier (à l’exception des spéléologues, notamment français) pour la simple raison qu’il se trouve dans une zone où le tourisme n’est pas du tout développé, perdue dans les montagnes péruviennes et franchement difficile d’accès. Et voilà que je tombe sans le savoir sur le village qui en est le plus proche ! San Andres, donc. Très honnêtement, j’en mets mon stylo à couper, dans les 10-15 prochaines années ou à peine plus, cette grotte va attirer les voyageurs du monde entier. Un endroit vraiment bluffant… Par contre, je vais devoir vous décevoir sur la suite logique de ce que je viens de vous raconter… Je n’ai pas de jolies photos. Mon vieil appareil n’a pas su comment s’y prendre pour encaisser un truc pareil, surtout que le temps était mauvais et la lumière donc pas très propice à de belles images. Je vous montre quand même le moins pire de ce que j’ai pu obtenir, maintenant que je suis là… Imaginez ça en mieux, plus grand, plus vertigineux !

     

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (2/4)

    En dessous, l'entrée de la grotte...

     

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (2/4)

    Le ruisseau entre dans la grotte, il s'agit de le suivre...

      

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (2/4)

    De l'intérieur.

     

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (2/4)

    La remontée.

     

    Et puis autre image de mes balades : ici, tout le monde a des cochons ! Devant la plupart des maisons, on les entend grouiner ou on les voit avachis dans leur sieste. Cet animal est vraiment drôle, complètement fidèle à la caricature qu’on en fait ! J’ai pas mal ri, alors je vous en montre quelques-uns !

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (2/4)

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (2/4)

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (2/4)

     

     

    (à suivre...)


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  • Avant de reprendre les articles, voici un premier résumé de mon parcours jusqu’ici :

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (3/5)

    Point de départ à Chiclayo donc, puis à petites enjambées, passages plus ou moins furtifs dans quelques villes environnantes. Le Pérou étant un très vaste pays (on n'en voit même pas la moitié sur cette carte), il va de soi que les enjambées vont se faire plus longues très prochainement, notamment pour arriver dans le sud, vous verrez ça...

     

    22/04

    Ça fait 2 jours que je suis parti de San Andres, mais dernière observation que je n’ai pas encore pris le temps de vous transmettre : le rapport à la famille. On a en France ce cliché du village dont tous les habitants sont de la même famille. Ici, ce n’est plus un cliché. On marche dans le village, et tous s’interpellent : « salut tata ! », « salut cousin ! », « salut neveu ! »… Dans tous - les - sens ! Ils ne connaissent même pas tous leurs prénoms, ils sont bien trop nombreux ! Une quinzaine d’oncles et tantes comme moyenne raisonnable… Imaginez à partir de là le nombre de cousins (à 5 par oncle et tante ça fait tout de suite 75), puis de neveux et nièces, osé-je aller jusqu’aux petits-enfants qu’on ne liste même pas ? Quand je raconte que moi, j’ai une seule sœur, une tante, pas d’oncle, ça fronce les sourcils… Ils doivent se dire que chez moi il y a une guerre et que tous les autres sont morts ! Non non, z’inquiétez surtout pas, elle est petite ma famille mais elle va bien ! Et puis c’est du solide ! De l’indessoudable ! En plus, plus pratique pour les prénoms… Encore qu’eux se passent les prénoms des grands-parents, ce qui peut simplifier les choses pour ce qui est de mémoriser.

    Eh, vous imaginez l’héritage ? Frérot, il y a Tante Comment-elle-s’appelait-déjà qui est morte, on a un 76ème de la maison chacun ! Youhou ! Sûr que ça limite les envies de meurtres pour hériter ! Et puis sa maison elle peut bien la vendre en viager, on n’est pas à 50 soles près !

    Bon, je suis d’humeur moqueuse ce matin, vous avez remarqué ? J’arrête, parce que je vais passer pour le touriste à la con qui juge tout sans rien comprendre. Il y aurait en fait beaucoup à écrire sur le thème de la famille, mais je vais plutôt passer à la ville suivante, ça va être rapide, vous allez voir.

    Jaen, donc. J’arrive le soir, prends une chambre minable par défaut, c’est juste pour dormir. Le matin, je marche en ville, de nouveau sous les regards pesants et quelques rires, et quand je demande quoi visiter, j’entends susurrer ce doux refrain d’antan : « oh, par ici, pas grand-chose ». Savez quoi ? Pas d’humeur à retourner là-dedans. Je me suis cassé directement. Je crois que les villes oubliées de la sierra, j’ai assez donné.

    Je vous avais prévenu : rapide.

    Je ne vous ai pas expliqué ça : la costa, la sierra, la selva. Ce sont les 3 zones du Pérou, qu’on peut traduire ainsi : la côte, la montagne, la jungle. Je vous avais dit que je descendrais d’abord dans le sud et ferais la selva (jungle) ensuite, mais finalement je fais le contraire : je suis depuis hier soir à Moyobamba. Je vais explorer un peu et je vous dis quoi !

     

    24/04

    C’était sympa, Moyobamba. Pas un immanquable, mais sympa. Je me suis retrouvé dans une auberge très agréable, avec des petits singes dans les arbres qui descendent vérifier si vous avez laissé à manger dans l’assiette qui leur est dédiée. En ville, les gens vous indiquent votre chemin avec le sourire. Voilà, une petite halte relaxante d’1 jour et demi, une introduction à la selva.

    A présent, je suis à Tarapoto, c’est-à-dire vraiment la jungle, bien que ce ne soit pas encore la profondeur maximale (il y a Iquitos, mais je n’y passerai pas).  La première chose que j’ai remarquée en arrivant en ville, c’est que le type qui me parlait avait une élocution très bizarre, au travers de sa gueule toute bienveillante. Il poussait certaines syllabes pour en sacrifier d’autres, en quelques sortes, ce qui donnait un espagnol en montagnes russes pas toujours facile à déchiffrer. Quand j’ai constaté que la 2ème puis la 3ème personne avec qui je parlais s’exprimaient de la même manière, j’ai compris que c’était en fait l’accent d’ici. Prometteur pour la suite en matière d’interaction !

    A part ça, Tarapoto, c’est un lieu central en ce qui concerne l’ayahuasca, que j’ai déjà évoquée en introduction de ce tour du Pérou, si vous vous souvenez bien. Je disais que j’y reviendrais en temps voulu, eh bien le temps voulu, on n'a qu'à dire que c’est à peu près tout de suite. Alors l’ayahuasca, qu’est-ce que c’est ? C’est une plante. Mais une plante spéciale… disons hyperpuissante. Elle se consomme lors de cérémonies menées par des chamans, en groupes de 5-10 personnes en général. Elle a des effets introspectifs d’une puissance capable de changer des vies, sans exagération. Au travers de visions, ressentis, pensées, elle vous montre des éléments clés de votre passé, des choses qui font que votre vie n’est pas au mieux, elle peut remettre les bonnes questions à jour et donner des éléments de réponses, elle peut vous parler du passé, du présent, certains disent du futur mais personnellement je n’y crois pas, etc.

    J’ai déjà participé à une cérémonie il y a quelques mois, mais j’ai eu peu d’effets, comme c’est assez fréquent lors de la première prise. Par contre, j’ai vu certaines personnes autour de moi prendre de sacrées claques… Un pote a divisé sa consommation d’alcool par 2 ou 3 depuis ce soir-là. La plante lui a coupé l’envie. Un autre a revécu sa petite enfance, mais il ne m’en a pas dit plus, j’imagine que ce sont des choses qui vont chercher un peu loin… Les témoignages regorgent sur Youtube, j’ai trouvé celui-ci si ça vous intéresse :

    Par contre, il faut faire attention avec qui on fait ça. L’ayahuasca est en effet devenue un business attrape-touristes redoutable dans lequel se sont installés beaucoup de gens avides voire mal intentionnés. On entend parler de semaines complètes d’ayahuasca à 1500$ ! J’ai croisé un Italien qui l’a fait, il affirme que ça valait la peine. Je veux bien le croire, mais il faut quand même garder en tête qu’il s’agit de consommer une plante, rien de plus. Une soirée, normalement, c’est 150-200 soles, prix normal pour un local. 1500$ (4500 soles), franchement, je ne sais pas comment le type arrive à annoncer son prix sans éclater de rire… Et pourtant, les touristes paient…

    Bref, je compte renouveler l’expérience, mais pas n’importe comment. Je cherche pour cela quelqu’un de confiance, ce qui peut prendre un peu de temps. Vous comprendrez dès lors pourquoi je risque de m’attarder à Tarapoto plus qu’ailleurs… Mais j’ai déjà quelques pistes. Je vous tiendrai au courant de mes avancées…

     

    26/04

    J’ai un chaman ! J’ai parlé avec les gens, contacté des connaissances de Chiclayo, pour finalement dégoter une bonne adresse à Lamas, près d’ici. La « cérémonie » (je n’aime pas le mot, mais c’est le jargon) aura lieu après-demain. Je n’ai pas encore rencontré le type, mais c’est un bon, de source sûre. Le meilleur reste à venir (mais pas forcément le plus facile) !

    En attendant, je suis toujours à Tarapoto, je me balade à droite, à gauche, mais je commence à avoir envie d’ailleurs, même si la ville est plutôt sympa. Les promenades que j’ai faites jusqu'à présent n’ont rien eu d’extraordinaire, et je ne les ai appréciées que par goût de marcher seul et en musique, pas spécialement pour ce que j’y ai vu. Je me dis que ce serait dommage de passer par la selva sans voir les animaux qui y vivent, notamment les singes, que j’adore. J’espère trouver l’opportunité de combler cette lacune avant de partir…

     

    28/04

    Jour J. C’est pour ce soir l’ayahuasca ! Sauf imprévu toujours possible, comme grosse pluie qui nous empêcherait de monter sur les lieux de la cérémonie (vu la nature et l’intensité de l’expérience, elle se déroule toujours dans des coins isolés, silencieux, si possible en pleine nature). Mais a priori, c’est pour ce soir.

    Je vous ai déjà parlé de trac au moment de vider ma chambre à Chiclayo, le grand départ. C’est encore cette sensation de trac que j’ai aujourd’hui quelques heures avant l’ayahuasca, c’est elle également que j’avais quand je montais sur scène, il y a un petit moment maintenant… Je me demande si le trac ne pourrait pas se définir ainsi : comme la peur de quelque chose dont on a en même temps très envie. Une ambivalence qui créerait ce nœud au ventre. Dire au revoir à Chiclayo, monter sur scène, prendre de l’ayahuasca… Autant de terrains sur lesquels s’affrontent la crainte et le désir, avec toujours une domination du désir tout de même. C’est quelque chose dont on rêve, mais de quoi un obstacle effrayant nous sépare ; pas suffisamment effrayant cependant pour nous faire rebrousser chemin. Je crois bien que c’est ça, le trac.

    Dans le cas de l’ayahuasca, le côté rêve, c’est d’aller explorer des parties de moi que je ne connais pas. Le côté obstacle effrayant, c’est les claques que je vais prendre en chemin, parce que les parties cachées de soi ne le sont jamais pour rien… Le résultat, c’est que j’ai peur, mais que je voudrais déjà y être ! J’espère juste que, cette fois, les effets se feront bien sentir…

     

    29/04

    Ashley est anglais, il a 29 ans et vit près de Tarapoto depuis 6 ans. Il passe le plus clair de son temps à l’écart de la ville, dans la jungle, et plus exactement dans le centre qu’il a créé : el Jardín de la paz (le Jardin de la paix) (http://www.eljardindelapaz.com/). Là-bas, des gens d’un peu partout (8 en même temps au maximum) vont faire des diètes de plantes dans des conditions bien particulières. Tout commence avec une séance d’ayahuasca, au cours de laquelle le chaman du centre identifie la personne, l’accompagne, décrypte ses ressentis, ce qui ressort d’elle durant cette séance. A partir de là, il désigne la plante qu’il faut à cette personne, selon son profil et ce qu’elle a à régler en elle. S’ensuit une période d’une dizaine de jours (variable) : la diète.  La personne choisit une maisonnette parmi celles disponibles, il y en a 8, voici à quoi elles ressemblent :

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (3/5)

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (3/5)

    Elle va habiter là, seule, sans contact humain, le temps de la diète, à prendre sa plante et les repas qu’on lui apportera. Et puis à penser à tout un tas de choses, évidemment. En sortant de ça, on constate parait-il des résultats  incroyables, on se sent plus que jamais en paix, complètement dénoué, de nœuds dont parfois on ignorait l’existence-même. Harmonie et bien-être.

     

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (3/5)

    Le lieu des séances d'ayahuasca (en haut bien sûr).

     

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (3/5)

     Le même lieu, en arrivant d'en haut.

     

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (3/5)

    Et de dedans.

     

    Ashley, le créateur du Jardín de la paz donc, est le contact que j’ai obtenu par le type avec qui j’ai essayé l’ayahuasca une première fois près de Chiclayo, sans succès. Et c’est dans son centre que je me trouve au moment où je vous parle. Je vais d’ailleurs finir par répondre à la question que vous vous posez sans oser m’interrompre depuis que j’ai commencé à causer  : alors, la cérémonie d’hier, ça a donné quoi ? Rien du tout ! L’a pas eu lieu ! L’est repoussée à ce soir ! Alors je ne vais pas vous expliquer comment je me sens : si vous voulez vraiment le savoir, relisez ce que j’ai écrit hier ! Allez, demain je vous raconte…

    En attendant, quelques photos du reste du centre :

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (3/5)

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (3/5)

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (3/5)

    Tour du Pérou, tour de soi-même ! (3/5)

     

    Qu'on prenne au sérieux les histoires de plantes médicinales ou pas, on sera au moins d'accord en ce qui concerne la tranquilité des lieux !

     

    02/05

    J’ai passé une nuit… violente. Dure et violente, sans plus aucune notion de rien, vivant et nulle part en même temps. Une expérience complètement déroutante.

    Tout commence à la tombée de la nuit, donc vers 19h. Les participants arrivent, les matelas sont déjà installés, chacun le sien. On s’assoit, on parle peu, on sait qu’on s’emmène vers quelque chose de fort. Certains l’identifient mieux que ça, ont l’expérience et ne feront ce soir que poursuivre leur cheminement ; moi non. Moi, je sais juste que ça va être puissant et que c’est imminent. Silence.

    Le chaman nous appelle un par un pour boire la mixture visqueuse et franchement dégueulasse. Et puis l’attente. La chose est en vous, elle va agir… Vous ne savez pas comment, mais elle est en chemin, en train de prendre de l’élan… L’attente, pesante et excitante à la fois.

    Une demi-heure plus tard, premiers débuts d’hallucinations sur la forme des arbres et des nuages au loin ; ça commence léger. Un peu plus tard, de l’animation, des tapis de couleurs défilent comme des génériques de films en 3D, des couleurs vives et multiples. A ce moment déjà, j’ai quasiment « perdu la vue », au sens où ce que je vois n’a presque plus aucun rapport avec ce qu’il y a sous mes yeux, sauf si je fais l’effort conscient de recoller à la réalité. Je le fais par moment, comme une pause, mais c'est très vite l'hallucination qui repasse devant. Au bout de quelques minutes de ces couleurs dans tous les sens, je commence à m’ennuyer : c’est ça, l’ayahuasca ? De l’art abstrait pour les 3-6 ans ?

    A partir de là, je ne donnerai plus de durée parce que je n’ai plus la moindre notion du temps, mais je suis parti. Loin, tellement loin, je vous dis, que c’est plus simple d’appeler ça « nulle part ». Et sans du tout m’en rendre compte. Quand je reprends un peu conscience, mon corps s’anime seul, mes 5 sens sont éteints, comme remplacés par d’autres formes de réception (je ne comprends pas ce que je touche, notamment). Je suis allongé sur mon matelas, mes bras, mes jambes et ma tête bougent beaucoup, donnent parfois l’impression de se débattre, parfois juste de se promener. Mais je n’ai pas peur, je crois même que je souris.

    Puis je vois une forme humaine rouge entrer en moi par le ventre. Je sais que c’est le chaman qui vient me voir parce qu’on m’a prévenu que ça allait se produire. L’ayahuasca permet à ceux qui la maitrisent de sortir de leurs corps, les chamans utilisent cette faculté pour suivre leurs participants, les accompagner. A l’entrée de cette silhouette, je sens immédiatement et très nettement une chaleur au ventre, puis plus haut, je la sens remonter.  A plusieurs reprises, mon torse se soulève, sans que je n’y puisse rien, à une hauteur que j’aurais bien du mal à atteindre si je le faisais par moi-même consciemment. Je ne sais pas si c’est l’action du chaman ou juste la continuité des mouvements de bras, de jambes et de tête entamés avant. Mais ça se fait sans me demander ce que j’en pense, voilà ma seule certitude.

    Au niveau du mental, parallèlement à toute cette animation physique, ça fuse aussi. Beaucoup de visions, surtout des gens importants dans ma vie, des situations, des réflexions générales, des mots ou phrases qui sortent parfois à haute voix. Mon problème, c’était la vitesse à laquelle tout ça s’enchaine : je ne peux rien approfondir, pas le temps. Avec l’expérience, on contrôle ça, d’après ce que j’ai compris. Pour moi, les visions tournent comme une roulette de casino impossible à arrêter. Il me manque une main pour stopper la ronde sur une image, une idée, et dire : « Ca. C’est ça qu’on va explorer maintenant ». Je ne peux rien explorer. Je lis le sommaire du livre en boucle.

    Voila quelques éléments de ma nuit d’ayahuasca… Mais je suis bien loin d’être exhaustif, tant ces heures ont été intenses. Du coup, mais ça aussi je le savais avant, je n’ai vécu qu’une introduction à l’ayahuasca, car pas assez fort pour creuser les débuts de pistes. Il faut en effet renouveler l’expérience plusieurs fois pour pouvoir approfondir les perceptions et apprendre à en contrôler le déroulement, être acteur de son introspection. Moi, je n’ai clairement été acteur de rien du tout ! Spectateur complet, incapable d’autre chose que de me laisser secouer physiquement et mentalement. Parce que je suis débutant et que ces choses s’apprennent. Mais quel épuisement, au bout d’un moment… Je crois que c’est là la partie la plus difficile : l’épuisement. Dans la tête, les visions tournent à n’en plus pouvoir, le corps continue son mime dégénéré, mais derrière tout ça je suis conscient de mon état. Je sais tout ça, je le vois. Je vois aussi mon incapacité à contrôler, je me sens ne pas avoir la force de prendre le dessus, je sais que c’est par manque d’expérience, je sais tout ce que je viens de vous dire dès ces moments-là. Mais ça continue, ça continue, et au lieu de me donner plus de temps pour essayer d’enfin dominer la situation, ça ne fait que terminer de me vider de mon énergie, et je subis de plus en plus. Plusieurs fois je jette un œil au ciel pour voir si la lumière du jour revient… Je n’ai aucune notion du temps. Mais nuit noire. Plusieurs fois aussi, je me remets en position assise pour me concentrer et revenir à la réalité, sortir du tourbillon que j’ai en guise de cerveau. Ça marche, c’est sûr… Mais c’est un tel effort, et je suis tellement épuisé que je ne peux maintenir cette pause que quelques secondes. Et c’est reparti… Jusqu’à ce que, sans m’en rendre compte, le sommeil finisse enfin par me prendre.

     

    Ce que j’espère maintenant, c’est premièrement savoir utiliser ce que j’ai vu pendant cette nuit, parce que ça a beau être peu par rapport à ce que peut voir un initié, ça constitue déjà de belles indications. Deuxièmement, avoir d’autres occasions dans ma vie de passer par des séances d’ayahuasca, en espérant pouvoir apprendre à les contrôler davantage… Mais dans un tout premier temps, terminer de digérer tout ça. L’expérience est encore fraiche dans ma tête, et elle prendra plus que ces 3 petits jours à être vraiment comprise… si elle l’est complètement un jour.

    Demain, encore un paragraphe et je clos le thème de l'ayahuasca !

     

    03/05

    Qu’est-ce qui lui prend, au type du blog ? Ca fait 5 ans qu’il nous parle roadtrip, imprévu, rencontres… Toujours cohérent, facile à suivre, toujours lucide. Et là, il nous pond de la plante magique et de la cérémonie avec du chaman qui se promène dans le corps des gens ?! Il débloque !

    Bien sûr, je vous vois venir… Et je ne sais même pas trop quoi vous répondre : je n’aurais pas moi-même pensé que ces choses-là existaient. Mais quand on les vit comme je les ai vécues, on est bien forcé de revoir ses théories.

    Quelques précisions tout de même, pour les plus récalcitrants voire ceux qui s’inquièteraient pour moi (si si, j’en vois au moins une !). L’ayahuasca n’est pas une drogue dans le sens où elle n’est absolument pas addictive, ni physiquement ni psychologiquement. Moi, je n’éprouve aucune envie particulière d’en reprendre prochainement ; seulement le souhait, par curiosité, de recroiser cette plante plus tard dans ma vie, ça oui. D’autre part, vous l’aurez compris, c’est du 100% naturel (je ne dis pas que ce simple fait permet une confiance totale à lui seul, mais c’est déjà un bon point). A savoir aussi : les cérémonies sont parfaitement légales au Pérou et considérées comme de la médecine naturelle.

    Autre point important : personne n’incite personne à essayer l’ayahuasca. Pas d’embrigadement, pas de publicité. Tous ceux qui font l’expérience, dont moi, le font de leur propre initiative, en général parce qu’ils en ont entendu parler et que ça les intéresse. Beaucoup de voyageurs dans mon genre, d’ailleurs, des routards, des curieux, se retrouvent dans les cérémonies.

    En parlant de « cérémonies », je vous ai déjà dit que je n’aimais pas trop le terme. De fait, il est trompeur. On imagine tout de suite des rituels bizarres, une ambiance de secte ou je ne sais quel groupe d’allumés. Rien de tout ça ! Tout se passe le plus simplement du monde : on boit son verre, on s’assoit sur son matelas et on attend que ça démarre. Quant au terme de « chaman », il a pour nous Européens une connotation mystique venue de contes et films surréalistes. Le chaman est un grand magicien un peu caricatural. Il est en réalité un homme comme vous et moi, qui vous parle normalement et vit en société… Simplement, il a une grande connaissance des plantes et des effets qu’elles ont sur le corps et le mental, et c’est ça qui le rend compétent pour encadrer les prises d’ayahuasca.

    Voilà, ces quelques mises au point me semblaient importantes, l’ayahuasca étant très méconnue en dehors de l’Amérique latine et parfois bombardée de préjugés et de fausses informations. Maintenant, libre à vous d’en penser ce que vous voudrez évidemment, et de réagir en commentaires si l’envie vous en prend.

     

    La prochaine fois que je vous écrirai, si tout se passe bien je serai à Cusco. Et oui, z’avez vu, avec tout ça, les jours défilent et je ne vous dis plus par où je chemine ! C’est parce que je suis en train de descendre vers le sud et que je passe presque plus de temps dans les bus que dans les villes étapes… Mais le plus beau reste à venir, soyez-en sûrs !

     

    (à suivre...)


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