• Salut les amis ! Me revoilà, quelques mois plus tard, avec encore des choses à vous raconter. De l'imprévu, de la rencontre, de la galère, de la bonne surprise, de la coïncidence... Bref, de la vie ! J'ai débuté cet été par un petit mois de vadrouille, mais uniquement en France cette fois-ci. Et je vais commencer par vous parler d'un endroit où je suis déjà allé en septembre ou octobre dernier et que je n'avais pas pris le temps de vous présenter sur le moment... Pourtant, il en vaut sacrément la peine !

    C'est l'histoire d'un jeune chercheur au CNRS qui plaque tout du jour au lendemain et part s'acheter un terrain dans la Creuse, au milieu de rien. Si si, ça existe. Il s'appelle Samuel, et ça fait plus de 2 ans que, petit à petit, il construit tout le nécessaire à un mode de vie aussi autonome que possible. Bien sûr, l'indépendance totale ne s'obtient pas comme ça (en admettant qu'elle soit possible...), et ce projet s'inscrit dans le long terme. Seulement, il existe une pratique de plus en plus connue à travers le monde qui s'appelle le WWOOFING et à laquelle Sam a énormément recours. Du coup, de mai à novembre, il y a fréquemment 10 à 20 personnes à Ropato (c'est le nom du terrain et du projet), venant du monde entier. C'est d'ailleurs là-bas que j'avais rencontré Thomas, le Hollandais avec qui j'ai ensuite voyagé en Espagne. Voilà pour les bases du projet. Maintenant, bonne nouvelle : je vous avais dit que je demanderais un appareil photo pour mon anniversaire, n'est-ce pas ? Et bien je n'ai même pas eu besoin de demander, ma mère lit le blog ! Voici donc, sous vos applaudissements, Ropato !

     

    Bien sûr, une des premières étapes vers l'autonomie est la nourriture. Et comme Sam accueille beaucoup de monde, ses potagers ne se font pas dans la demi-mesure.

    Il a aussi réalisé plusieurs petites constructions, à la force de ses mains, de celles des WWOOFERS et d'outils basiques.

    J'ai participé à la constructions de ce garage. C'est plus de travail qu'on peut le penser : abattre les arbres, les découper en poteaux, les écorcer, creuser les fondations pour chaque poteau, faire le béton des fondations (sans bétonneuse), monter les poteaux et le toit. On arrive facilement à 1 mois de travail à 3-4 personnes.

    Et voici les toilettes sèches, construites par Sam. Vues de l'intérieur :

    Ça marche aussi en France 1/2

     

    Les WWOOFERS sont accueillis dans un camp bâché avec le nécessaire pour cuisiner, s'asseoir le soir pour jouer de la musique et/ou boire un verre, et muni de tentes avec de petits matelas plutôt confortables.

    Quant à Sam, il dispose d'une caravane que ses voisins lui ont vendue à un prix dérisoire peu après son arrivée.

    Sam à la débroussailleuse !

    Voilà pour la présentation de Ropato. Evidemment, si quelqu'un est intéressé pour y faire une virée, faites-le moi savoir ! De même, si vous avez des questions, n'hésitez pas.

    J'ai donc passé une dizaine de jours dans la Creuse en ce début d'été, entouré d’Écossais, de Danoises, de Suédois, d'un Anglais, d'une Singapourienne, d'un Portugais etc. Et puis dans tout ce monde, quatre Irlandais en plein périple vers le Maroc à bord d'un gros Land Rover, véhicule de baroudeur par excellence. Je me suis très bien entendu avec eux, si bien qu'au moment de quitter Ropato, ils m'ont tout simplement proposé de partir avec eux vers le sud. Bon, vous commencez à connaître ce blog, alors je ne vais pas vous la jouer "suspense" : oui, je suis parti avec eux.

    Une heure plus tard, je suis à bord du Land Rover avec Mike, Gabriel, Seamus et Manos, mais aussi avec Stin, une Danoise qui s'est également jointe au groupe. Nous ne savons pas vraiment où nous allons, si ce n'est que ça devra se trouver quelque part au sud. J'envisage 2 ou 3 endroits où je pourrais être accueilli, mais avec 5 personnes, j'abandonne vite. Contrainte supplémentaire, nous sommes le dimanche 13 juillet 2014, jour de la finale de la Coupe du Monde de football que la plupart d'entre nous veut absolument voir ! Finalement, notre décision est assez simple : nous nous arrêterons à Clermont-Ferrand pour voir le match puis nous reprendrons la route vers le sud jusqu'à voir la mer. C'est ainsi qu'à 6h du matin :

    Sète !

    Épuisés par ce long trajet nocturne, nous trouvons une petite plage isolée, sortons les sacs de couchage et nous écroulons.

    Au réveil, nous nous félicitons d'être venus jusqu'ici. Enfin du soleil ! (A Ropato, comme à peu près partout en France, ce début juillet a été très pluvieux). Il est midi, retour à la voiture pour poser les sacs de couchage et prendre de quoi nous baigner.

    Par la suite, promenade dans Sète et prise de renseignements sur les animations du 14 juillet (c'est ce soir !). Sète, c'est joli, mais c'est tendu. Quand on arrive d'un coin paisible de la Creuse, on est surpris de voir des gens se crier dessus, voire de se faire embrouiller par des types qui veulent nous vendre du shit...

    Le soir, un joli feu d'artifice sur la plage vient bluffer mes compagnons. Ils sont même carrément béats : il semble qu'on ne voie rien de tel en Irlande ! C'est vrai que le final était particulièrement prenant, et je suis content qu'ils aient pu voir ça. De bonne humeur, nous nous joignons à la soirée disco qui s'ensuit aux abords de la plage. Un événement familial mais sympathique, durant lequel nous dansons et discutons avec quelques autres jeunes égarés là.  Quelques heures plus tard, nous nous endormons sur la plage sans nous douter de la bonne surprise qui nous attend au matin...


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  • Le 15 juillet au matin, nous nous réveillons donc sur la plage principale de Sète. Étrange constat, deux d'entre nous (sur six) ont subi exactement la même piqûre pendant la nuit : celle d'une araignée, sur l’œil gauche. Il s'agit de Stin et moi, les deux "pièces rapportées" du groupe. Du coup, nous nous retrouvons avec le même œil gonflé et à moitié fermé, ce qui donne l'impression que l'un de nous se fout de l'autre en l'imitant d'un air débile, ou que nous sommes deux frère et sœur atteints de la même malformation physique ; et probablement mentale ; mais vous l'aurez compris, ce n'est pas le cas. A présent, je sais que j'apprécie très moyennement le sens de l'humour des araignées.

    Bref, nous nous dirigeons vers la voiture (sauf les deux qui dorment encore) avec dans l'idée d'attraper serviettes et maillots de bain et de passer à la baignade du réveil. Le Land Rover est garé dans une petite rue pavillonnaire calme et apparemment assez bourgeoise. Alors que chacun prépare ses affaires, j'aperçois une tête au dessus d'un portail ainsi qu'une main levant un grand bol. Et le type me dit : "café ?".

    Gauthier est un reporter photographe indépendant de 50 ou 60 ans qui pense que les journalistes racontent des conneries et qui tient à le faire savoir. Il habite dans une rue calme sur les bords de mer de Sète, et lorsqu'il a vu un gros Land Rover se garer devant chez lui, plusieurs pensées lui ont traversé l'esprit :

    1. Tiens, la même voiture que moi. Sûrement des voyageurs.

    2. Se garer ici est interdit... Le gros con de voisin d'en face va sûrement appeler les flics, je ferais mieux de surveiller.

    3. Si j'invite ces voyageurs à boire le café, le gros con de voisin d'en face croira qu'ils sont avec moi, et ça l'emmerdera profondément.

    C'est ainsi que nous nous retrouvons sur une charmante terrasse à boire un café et déguster du fromage français (véritable plaisir pour mes trois compagnons) avec un personnage totalement hors-du-commun. Nous lui expliquons notre rencontre, notre voyage, il nous parle de ses expéditions à lui, partout dans le monde, de ses reportages photos et de ses dessins. Nous tenons la discussion en essayant de réaliser ce qui est en train de se passer ; c'est juste hallucinant ! Plus tard, Gauthier remarque que deux types traînent devant notre voiture ; ce sont Gabriel et Seamus qui se sont finalement réveillés. Il les invite immédiatement à nous rejoindre et leur sert le même petit déjeuner qu'à nous. Plus tard, quand la femme de Gauthier puis leur fils sont levés, nous nous retrouvons à neuf autour de la table, à parler de plein de choses... Et nous ne partirons qu'aux alentours de 17h, après avoir mangé avec eux le midi et dégusté au passage la (délicieuse) spécialité culinaire de Sète : la tielle. Il s'agit d'une tarte au poulpe, qui ne se mange nulle part ailleurs. Drôle de journée ! Sacré moment !

    Mais il faut bien finir par partir. Petite coupe de champagne (ben voyons !) et hop, sur la route. Le soir, nous dormons dans un petit camping à Loupian (à 15 kilomètres de Sète), puis au matin vient le moment de nous séparer. Je m'en vais vers Biarritz alors que le groupe compte s'attarder un peu ici pour faire de la cueillette. Nous nous disons au revoir et répétons combien ces quelques jours ont été bons à vivre. Nous échangeons des adresses mail que nous n'utiliserons probablement jamais, mais c'est aussi ça leur charme. J'ai passé trois jours avec ces gens là où il n'y avait aucune raison que ça arrive, dans l'imprévu, dans la simplicité, dans le sourire gratuit. Et c'était bien, et il n'y a besoin de rien de plus. C'est la magie des rencontres de vadrouilleurs. Et je m'en vais en stop.

    Le soir, après avoir galéré dans Toulouse pendant des heures à trouver une entrée d'autoroute praticable en stop, je m'endors derrière un buisson, à l'abri des regards. Le lendemain, je débarque à Biarritz dans l'après-midi, chez des amis rencontrés l'été dernier et que je tenais à revoir cette année. Le soir venu, nous faisons la fête à Seignosse. S'ensuivent quelques jours de vacances plus "normales" dans les environs. A noter, un concert très sympa d'un groupe d'Allemands d'origine coréenne : Symbiz. C'est de la dubstep avec un peu de rap. J'ai trouvé ça sur youtube pour vous montrer à quoi ça ressemble :

    Très bonne soirée à Seignosse avec les amis !

    Et puis quelques photos des Landes, de leur Océan que j'adore. Photos prises à Capbreton :

     

    Voilà. Il va être temps de regagner la Haute-Savoie, j'attaque un travail saisonnier sous peu. Et ça fait déjà presque un mois que je vadrouille ! Capbreton-Sallanches en stop en un seul jour, c'est audacieux, voire un peu kamikaze, mais je m'y lance quand même ; et optimiste avec ça. J'échouerai de peu puisque je m'endormirai le soir à Aix-les-Bains, en Savoie, sur un rond-point. Je sais que c'est un lieu insolite pour planter sa tente, mais il tombait tellement à pic ! Et puis l'insolite, ça a du charme ! Voyez plutôt.

    A gauche du panneau, vous voyez un petit passage pour monter derrière les arbres. Le voici de plus près :

     

    Pourquoi donc se gêner ?

     

    Mais ce qu'il y a de plus fou dans cette histoire, c'est comment je suis arrivé jusqu'ici. Il commençait à être tard et je me doutais que je ne dormirais pas à Sallanches ce soir-là. Alors que je venais de me faire déposer sur une aire de repos un peu avant Lyon, une voiture s'arrête immédiatement pour m'aider à poursuivre ma route. Au bout de deux minutes de conversation avec mon chauffeur, nous réalisons quelque chose qui me sidère encore au moment où j'écris cet article : cet homme m'avait déjà pris en stop l'année dernière, sur une petite route de la Creuse ! C'est ahurissant. Combien de centaines de milliers de voitures empruntent les routes françaises chaque jour au mois de juillet ? Peut-on imaginer la probabilité de monter deux fois dans la même voiture à quelques mois d'intervalle en sillonnant les routes de France ? Et dans deux régions différentes, avec ça ? Ahurissant. Je connais quelques lecteurs qui viendront me dire que c'est un signe, que je devais revoir ce type ; ce n'est pas ma manière de penser, et je dirai plutôt que le hasard est capable d'exquises folies dont je ne me lasserai jamais. Mais dans tous les cas, cette re-rencontre a été pour moi la meilleure manière d'achever mon périple avec le sourire. Le lendemain, Aix-les-Bains - Sallanches fut une simple formalité. Mais c'est moins drôle comme ça, alors on recommencera...


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  • Encore du mouvement ! Me revoilà avec plein de choses à vous raconter, mes assidus ! Cette fois, on passe à l'échelle supérieure : je suis parti en Grèce en stop. Je me suis lancé sans trop savoir le pourquoi du comment, plus par envie de reprendre la route qu'avec un but précis. Et d'ailleurs, je n'étais pas complètement sûr que j'allais en Grèce. Et si je m'y retrouvais finalement, je n'étais pas sûr non plus que le voyage s'arrêterait là. Bref, zéro certitude si ce n'est celle d'un départ imminent, et cela suffit amplement. Sac à dos, sac de couchage, tente, et à moi la route ! Une contrainte quand même : je souhaitais ne dépenser que 10€ par jour au maximum, ce qui était large, étant donné que je n'avais a priori que la nourriture à acheter. A quelques imprévus près...

     

    Jour 1 : Remise en route

     

    Départ de Sallanches, ma chère ville natale qui commence sérieusement à me sortir par les yeux. L'avantage de naître dans des endroits pareils, c'est que ça incite au voyage. Alors soyons optimistes et ne voyons que cet aspect-là des choses !

    Départ, disais-je donc, et je me retrouve rapidement à Chamonix, d'où je m'attends à atteindre l'Italie sous peu. Mais pas si simple. J'attends en fait 2 heures avant de passer enfin le tunnel du Mont-Blanc... Et rester bloqué 2 heures quand on est encore si près de chez soi, ça n'a pas grand chose d'encourageant, vous en conviendrez. Pourtant, je suis de bonne humeur, et même content d'être là, dans l'incertain, dans le précaire, prêt à décoller d'une minute à l'autre, ou pas. Selon le bon vouloir des gens. Ça fait des semaines que j'attends ça, et rien ne me découragera aujourd'hui, ce n'est même pas une décision, ce n'est pas de la détermination parce que ce n'est même pas un effort, c'est juste un fait : je suis sur la route, le reste me passe au dessus. Alors pendant 2 heures, je chantonne.

    Et puis s'arrête un certain Nicolas, avec qui je vais rester un bon moment puisqu'il va m'emmener jusqu'à Vigevano, soit 220 kilomètres à l'est, à proximité de Milan. Discussions très intéressantes tout au long du trajet. Nicolas a beaucoup voyagé, il a vécu dans divers endroits, parle des langues, connaît des cultures... Il me donne des conseils, par exemple si je me retrouve un jour piégé par des fous d'Allah : quand ils me demanderont mes croyances, il faudra leur répondre que je "cherche ma voie". C'est la seule manière de ne pas mériter de me faire trucider à leurs yeux... Intéressant. Il précise que les plus dangereux sont les Sunnites, que je n'ai rien à craindre des Chiites. Intéressant encore.

    Nous parlons de beaucoup de choses, et puis nous voilà à Vigevano. Nous sommes en fin d'après-midi, Nicolas me pose près du centre de la ville en me laissant sa carte. Première rencontre vraiment sympa, je suis définitivement content d'être là !

    Je ne sais pas si j'essaie d'avancer encore ou si je commence à chercher un endroit où camper. Alors je me dirige vers la sortie est de la ville, et si je vois quelque chose en chemin, je l'envisagerai. En marchant, je me rends compte que je suis un peu trop chargé, que j'aurai du mal à enchaîner les kilomètres à pied en cas de besoin... Je n'ai pourtant pris que le nécessaire, mais ne sachant pas pour combien de temps je partais, le nécessaire impliquait aussi quelques vêtements chauds et même une tenue de WWOOFING. Résultat : sac un peu lourd. Tant pis, mais il faudra prendre ça en compte.

    En chemin, je vois un bar à drôle d'allure, étrangement petit au milieu d'une étendue d'herbe qui pourrait en accueillir 10 comme lui. C'est drôle, mais ça fait son charme. Je passe mon chemin, puis me trouve bête et fais demi-tour. Puisque ce bar me plaît, pourquoi ne m'y arrêterais-je pas pour boire un verre ? Ce n'est pas plus compliqué que ça. Ce que je ne sais pas encore, c'est que le barman se montrera très accueillant, m'offrira à manger et m'autorisera même à planter ma tente derrière le bar, sur cette étendue d'herbe. Ce n'est pas plus compliqué que ça, disais-je.

    En début de soirée, nous discutons en buvant une bière. Il y a aussi un ami du barman, ils s'entraident pour essayer de communiquer avec moi en anglais, c'est parfois laborieux et ça nous fait rire. Vient un moment où j'accepte de tirer sur un joint. D'habitude, je ne fume pas, mais on n'est pas en voyage pour suivre des habitudes. De toute façon, ça ne me fait pas grand chose, juste un souffle pas très agréable dans la gorge. Et je n'aime pas le goût. Mais ça me plaît d'avoir dit oui.

     

    Jour 2 : Pavia ne m'aura pas deux fois

     

    Réveil vers 7h et départ dans la foulée. Je n'ai pas trop l'habitude de plier cette tente, mais je m'en sors bien, je me suis entraîné avant de partir. Prévoyant, le routard !

    Je commence le stop avec appréhension : mes lecteurs les plus habitués d'entre vous se rappellent peut-être ma mauvaise expérience dans le nord de l'Italie... C'était il y a exactement 2 ans. J'avais dû abandonner et prendre le train après des heures et des heures d'immobilité aux environs de Pavia, au sud de Milan... Tiens, Pavia ! C'est précisément la ville vers laquelle je me dirige ce matin. Hasard pas très rassurant, vu les souvenirs que j'ai du coin... Je n'attends toutefois qu'une dizaine de minutes avant de quitter Vigevano. Une fois à Pavia, je marche une bonne heure vers la sortie de la ville. Je me sens très fatigué ; je l'étais déjà au départ de Sallanches hier, et dormir en tente n'est pas ce qu'il y a de plus reposant. J'espère ne pas traîner cette fatigue de jour en jour trop longtemps...

    Une fois à la sortie de Pavia, je me retrouve sur cette route que je reconnais très bien, et le souvenir n'est pas des plus tendres. Des heures d'attente, de la marche au bord de la nationale, le poids du sac... La venue de la nuit alors que je n'ai presque pas avancé, ma tente à proximité des habitations, une lampe dans ma direction, des aboiements qui se rapprochent dans la nuit... Et l'abandon, au lendemain, après encore de vaines heures à essayer d'avancer... Pavia, me voici de retour ! Je vais devoir remettre ça, mais le challenge ne m'impressionne pas tellement, je ferai ce que je peux, voilà tout.

    Résultat : un scénario totalement révisé ! Un vieil avocat à moitié francophone me prend très rapidement. Il m'emmène à proximité d'un village où il habite, à une vingtaine de minutes de mon point de départ. Toujours aussi fatigué, je décide de faire une petite sieste derrière quelques arbres sur le bord de la route. Une demi-heure plus tard, me revoilà à tendre le pouce. L'attente est un peu plus longue cette fois, mais un type finit par s'arrêter : il va à Bologne. 

    Ce n'est pas exactement mon chemin, ça tire vers le sud, mais j'accepte au nom d'une loi que je n'ai pas encore explicitée à ce moment-là (même pas à moi-même) : accepter toutes les destinations que l'on me proposera, détour ou pas détour. En l'occurrence, j'en profite pour faire un pas de 200 km, même si ce n'est pas exactement dans ma direction, ça ne se refuse pas ! Et puis, ai-je vraiment une direction ?

    Après un trajet sur fond de musique rock et de discussions superficielles, je me retrouve à la gare de Bologne. Et ça tombe bien : comme il est très difficile de quitter une grande ville en stop, je vais prendre le train. Je demande un billet vers la prochaine ville au nord : direction Ferrara. Je paie 4€ et quelques et constate qu'aucun contrôle n'est opéré à bord... Bon à savoir.

    J'arrive à Ferrara en fin d'après-midi et il est temps de trouver un endroit où camper ce soir. Quelques personnes m'indiquent un parc. Je le trouve et l'explore rapidement : pas idéal, mais il fera l'affaire, à condition de m'installer plus tard histoire d'éviter d'être trop vu. (Evidemment, le camping sauvage est interdit en Italie, comme en France et comme à peu près partout). En attendant, je décide d'aller trouver un bar sympa pour boire un verre et peut-être rencontrer des locaux. J'arrête un couple et leur demande où je peux trouver un tel endroit. Ils réfléchissent, parlent entre eux en italien... et me proposent tout simplement de venir manger chez eux ! J'accepte, enchanté.

    Roberto et Elisa vivent dans une maison assez impressionnante. Elle s'étale sur 3 vastes étages dont la visite doit être compliquée sans guide... Je m'y perdrais à coup sûr ! Le loyer, même si je ne me souviens pas de son montant exact, est pourtant très abordable pour un jeune couple. La raison ? Le bâtiment peut s'écrouler d'un moment à l'autre. C'est bien sûr très peu probable, mais ça ne passe pas au niveau de la loi. Du coup, Roberto et Elisa profitent de cet énorme espace... Partiellement du moins, car l'occuper entièrement relèverait plus du défi que du confort. Ils habitent en fait un seul étage, et c'est amplement suffisant.

     

     

    Au repas ce soir : panzerrotis faits maison ! Les panzerrotis, ce sont de petites pizzas calzones, mais on les frit plutôt que de les cuire au four. C'est une spécialité du sud de l'Italie. Et comme Roberto est un ancien boulanger, il prépare lui-même la pâte... Un régal. Un pur régal.

    A travers l'Europe 1/3

    A travers l'Europe 1/3

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Je passe donc une excellente soirée avec mes hôtes et une amie à eux. Ils sont voyageurs eux aussi, mais ça, je l'avais deviné à la spontanéité avec laquelle ils m'ont reçu. Nous nous racontons nos vadrouilles, et puis nos vies. Vers minuit, je me couche sur le canapé.

     

    Jour 3 : Camper à Venise est une idée de cons

     

    Au matin, Roberto et Elisa partent passer le weekend à la mer. Je les accompagne donc à bord de leur van jusqu'à la côte est de l'Italie. Avant de nous séparer, ils tiennent à me montrer Comacchio, ce petit village que l'on surnomme "la petite Venise".

    Qu'est-ce que je ferais pas pour revoir Mytilène ! 1/3

     

    De là, je reprends le stop, en direction de Venise, la vraie, cette fois. La route ressemble à une nationale française : pas très large, rapide, trafic dense. Pas le mieux pour le stop, mais je finis par m'en sortir par petites étapes. Habituellement, je n'aime pas aborder les gens pour leur demander de m'emmener, je trouve que ça leur force la main et je préfère quand ils s'arrêtent par eux-mêmes. Mais cette fois, je me force un peu. La nuit approche et je suis trop près de Venise pour accepter de ne pas l'atteindre aujourd'hui-même ! Oui, c'est de l'impatience, et ça n'a pas beaucoup de sens : arriver à Venise dès ce soir pour quoi faire ? Me retrouver dans l'un des endroits les moins propices imaginales pour planter une tente ? Alors que je pourrais m'installer ici tranquillement pour la nuit et prendre la journée de demain pour arriver à Venise et la visiter sereinement...

    Mais je cède à la précipitation, aborde cette petite famille à une station essence et me retrouve grâce à eux à Venise en fin de journée.

    Je ne vais pas vous bombarder de photos, elle ne sont pas belles, et franchement, Venise, ça se regarde, ça ne se photographie pas. Mes photos ne traduisent pas ce que c'est que d'avoir ce lieu sous les yeux. Si certains d'entre vous y sont déjà allés, ils confirmeront !

    Et puis moi, je commence à avoir autre chose à faire que de prendre de jolies photos : chercher où dormir, par exemple. Comme prévu, je ne vois pas l'esquisse d'une chance de pouvoir camper par ici... Les quelques personnes à qui je demande conseil n'ont pas plus d'idées que moi. J'ère un peu, et le sac se fait lourd. J'envisage de chercher un coin dans la gare de Venise, sans conviction. En marchant encore, je finis par trouver un grand parking entouré de quelques buissons. Il fait noir, je suis fatigué, je ne ferai pas un pas de plus.

    Je vais dormir là, sur les cailloux, entre un grillage et un buisson. Bien sûr, j'aurais dû rester en dehors de Venise pour ce soir, passer une nuit tranquille dans ma tente et arriver demain. Je n'ai pas voulu, j'assume !

    Après avoir acquis la certitude qu'il me sera impossible de m'endormir sur ces fichus cailloux, je décide de vider mon sac et de recouvrir le sol de vêtements. Ce matelas improvisé m'aidera à trouver une sorte de sommeil.


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  • Jour 4 : L'Italie finit par tenir ses promesses

     

    Il n'est même pas 7h du matin quand je décide de renoncer à prolonger cette nuit inconfortable au possible. Je me suis reposé comme j'ai pu, le harcèlement des moustiques n'aidant pas, et je m'en vais usé et couvert de piqûres ; mais déterminé à quitter l'Italie aujourd'hui-même ! 180 km, ça devrait être jouable, surtout en partant si tôt.

    Je commence par prendre le train pour sortir de Venise. J'en profite pour y rester un peu plus que mon ticket ne me l'autorise, et je me retrouve à Quarto d'Altino, une petite ville très calme où j'entreprends de faire du stop. Conscient d'être en Italie du nord, (donc en terre hostile lorsqu'on est un autostoppeur !), je m'arme de détermination et m'efforce d'être patient. Je resterai 4 heures s'il le faut ! Il n'y a peut-être qu'un seul type dans cette foutue ville qui soit susceptible de prendre quelqu'un en stop, eh bien je serai là quand il passera !

    Tu parles.

    2 heures plus tard, je suis de retour à la gare. J'ai acheté un sandwich en chemin... Un bout de fromage entre deux morceaux de pain. Et ils appellent ça un panini. 3€. Quarto d'Altino aura vraiment été une escale foireuse. C'est sans doute sur des endroits comme celui-là que se fonde la mauvaise réputation de l'Italie du nord... D'un point de vue routard, du moins.

    J'achète un ticket vers la prochaine ville (histoire d'avoir quand même quelque chose à présenter en cas de contrôle) et prends le train sur une bonne centaine de kilomètres, jusqu'à Monfalcone. De là, j'atteins Trieste en stop et me rapproche donc sérieusement de la frontière slovène. Ma conductrice s'arrête un peu avant la ville pour me faire profiter de la vue.

     

    Entre l'attente à la gare, les deux trajets en train et l'autostop en vain, la fin de journée approche déjà. J'hésite à rester à Trieste et remettre la Slovénie à demain, mais devant ma difficulté à trouver un endroit où dormir, je décide de reprendre le stop.

    J'arrive finalement à Koper (Slovénie) juste avant la nuit et plante ma tente sur une étendue d'herbe au milieu de la ville. Je suis visible, mais plusieurs passants m'ont assuré que personne ne viendrait me déloger. Tant mieux, j'ai du sommeil à récupérer !

     

    Jour 5 : C'est pour des journées pareilles que je voyage

     

    Au matin, je marche jusqu'au supermarché Lidl et constate l'étonnant respect que les Slovènes vouent aux passages piétons... Ca paraît tout bête, mais c'est à voir ! Assurément, un aveugle n'a aucun souci à se faire lorsqu'il se balade dans Koper ! Vous n'êtes même pas encore arrivé au bord de la route que les voitures s'arrêtent déjà pour anticiper votre traversée. Une discipline bluffante et systématique ! C'est ici qu'il faudrait envoyer les Parisiens en stage, je vous le dis !

    J'arrive donc au supermarché où, après avoir acheté un peu à manger, je rencontre deux routards Polonais. Ils voyagent à travers l'Europe en stop et font de la musique et du jonglage dans la rue. Discussion sympa, puis rapidement je m'en vais trouver où tendre le pouce. Je me poste à une sortie de rond-point, comme je peux, et je mets peu de temps à comprendre qu'il me sera difficile de décoller d'ici. Et ne voyant pas les deux Polonais arriver, je me dis qu'il doit y avoir un autre endroit plus stratégique. Je décide d'aller explorer un peu mieux les environs.

    Après avoir tâtonné autour de l'entrée d'autoroute et traversé un pont interdit aux piétons, je trouve un autre rond-point ainsi que mes deux Polonais, pancarte en main. Ma parole, ils sont encore moins bien placés que moi ! Ils attendent à l'extérieur d'un virage, juste avant la voie d'accélération de l'autoroute, avec très peu de place pour que les voitures s'arrêtent. La seule chose qui me fait penser qu'ils ont une chance d'être pris, c'est que leur pancarte est un peu fantaisiste, et qu'ils font les cons sur le bord de la route pour faire rire les gens. Et ça, pour sûr, ça plaît. Du coup, je me pose un peu à l'écart avec un bouquin : s'ils sont pris, soit je me mettrais sur le même emplacement, soit avec plus de chance je serai embarqué avec eux...

    Mais après une demi-heure de lecture, j'en ai déjà marre de ne rien faire. Je décide de souhaiter bonne chance aux Polonais et de retourner vers mon premier emplacement. Au milieu du pont interdit aux piétons, je revois la bretelle d'autoroute qui part vers l'est, comme j'aimerais le faire moi aussi... Un peu plus bas, après un long virage, j'aperçois un coin d'herbe sur le bord de la route, et je me dis que posté à cet endroit-là, j'aurais quand même pas mal de chances d'être pris, malgré l'interdiction aux piétons... Seulement il faut l'atteindre, ce coin d'herbe. Et comme je suis déjà sur un pont où je ne suis pas censé être, je n'hésite pas longtemps à pousser l'interdit un peu plus loin : je me lance dans la bretelle à pas rapides, prêt à passer de l'autre côté de la barrière si une voiture déboule dans le virage. Par chance, j'atteins mon coin d'herbe sans que cela arrive.

    Une petite demi-heure plus tard, je suis en voiture avec Vogka et son bébé. Elle m'invite à manger chez elle avec son mari, ce que j'accepte évidemment avec plaisir. Vogka et Iztok habitent Kozina, en Slovénie toujours, dans un petit quartier pavillonnaire à l'Américaine. Ils sont ici de passage en attendant la fin de travaux dans leur maison de Koper. Ils sont enchantés de recevoir un voyageur et leur accueil est très chaleureux.

    En début d'après-midi, Vogka me dépose sur la route qui part vers la Croatie, et je suis très vite pris par un certain Goran. Il m'annonce qu'il va sur l'île de Krk (non, ceci n'est pas une faute de frappe ! Krk), et je décide donc d'appliquer cette règle consistant à accepter toute destination : je serai à Krk ce soir, plus exactement au village de Vrbnik, Croatie.

     

    Discussions très intéressantes avec Goran, à propos de tout un tas de choses, de l'éducation à la méditation en passant par les catégories sociales, la connaissance de soi etc. Et nos vécus, un peu. Il me raconte notamment comment un jour il s'est retrouvé à une réunion professionnelle au sommet de la plus prestigieuse tour de la ville, avec une vue imprenable sur le squat rudimentaire dans lequel il vivait quelques années auparavant... Il voyait là une raison de n'accepter aucune catégorie : elles ne sont que des photographies du moment présent et chacun possède en soi les moyens d'en changer d'un moment à l'autre. En mieux, en moins bien, ou juste en différent. Résumé rapide d'un bout de notre conversation.

    A la frontière, je suis traité comme un hippie-vagabond-clandestin-dealer, ou un truc comme ça. Avant que le type ne commence à me poser ses questions, j'ouvre la portière arrière pour lui donner mon sac, histoire qu'il fouille et qu'il me lâche. Il m'en empêche, dit que le sac, c'est pour plus tard. Après quelques questions, lorsqu'il voit que je m'ennuie avec lui et donc que je suis à l'opposé de tout stress, il commence à se dire que je n'ai peut-être rien à me reprocher. Le coup de grâce sera lorsqu'il constatera que je n'ai même pas de tabac dans ma sacoche. I don't smoke, Sir. Il me laisse partir sans même toucher à mon sac.

    Arrivé à Vrbnik, je fonds littéralement... Ce village est tout ce que j'aime. Surplombant la mer, il est fait de petites rues étroites qui respirent l'authenticité. Vrbnik restera sans hésiter mon coup de cœur de tout ce voyage.

     

    Et d'un coup, du même village : 

     

     

    En fin d'après-midi, après une rapide dégustation des vins locaux (très bons d'ailleurs), je plante ma tente dans un coin isolé, face à la mer.

     

    Jour 6 : Faire des kilomètres et c'est déjà bien

     

    Au matin, je quitte l'emplacement où j'ai passé la nuit par le même chemin qu'à l'aller.

     

    Puis, par 5 voitures dont 3 en provenance d'Autriche (?! Je suis probablement dans un coin à vacanciers autrichiens), je parviens à quitter l'île de Krk pour continuer à longer la mer en direction du sud-est. 

    L'autostop fonctionne ensuite très bien puisque j'atteins Zadar (230 km) en milieu d'après-midi par une magnifique route longeant la côte croate. Un pur plaisir pendant près de 2 heures. Le conducteur m'annonce qu'il va en fait à Nin, ce qui constitue pour moi un détour, mais j'accepte encore.

    Nin est une toute petite ville qui a pour particularité d'être entourée d'eau. On l'atteint par un pont.

    En dehors de ça, rien de spécial, quelques habitations, des commerces à touristes. Je ne m'y attarde pas.

    Retour à Zadar, en voiture avec un jeune couple très sympa. Je leur demande conseil sur un endroit où aller boire un verre. Ils me posent dans la vieille ville, à un bar nommé "Zodiak". Ils disent que c'est un bar alternatif où je peux rencontrer des gens. Mais comme souvent lorsqu'on me parle de lieu "alternatif", je ne ressens rien de tel une fois sur place. Je m'assieds au bar, et la conversation que j'essaie de lancer avec le barman reste stérile... Une conversation, ça s'alimente à deux, mais lui, ça ne semble pas l'intéresser. Je bois ma bière et m'en vais chercher à manger, puis un endroit où dormir. Après une assez longue marche le long de la mer, à m'éloigner du centre, je trouve un terrain inhabité. J'hésite à y aller. L'endroit est entouré d'habitations et je ne pense pas qu'on verra d'un bon œil l'arrivée d'une tente sous les fenêtres... Je finis par décider que j'ai assez marché, et que de me faire déloger ne constitue de toute façon pas un risque plus effrayant que ça. Juste pénible. On verra bien. Je m'installe et bonne nuit les voisins !


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  • Jour 7 : La météo suivrait donc mes humeurs

     

    Réveil sur ce terrain à la sortie de Zadar, donc. Personne ne m'a délogé, mais loin de me satisfaire de ce constat, je me lève d'une humeur moyenne. Pas vraiment envie, aujourd'hui. Relever le même défi tous les jours me fatigue, on a parfois envie de calme et de ne rien faire, c'est sans doute légitime. Les jambes sont lourdes, le ciel est chargé. Hier, on m'a dit que plusieurs jours de mauvais temps étaient à prévoir.

    Mais quoi ? Je ne vais pas rester là ! Il faut plier la tente, empoigner le sac et m'y remettre. Et vite ! Pour avoir une chance d'être en voiture avant l'arrivée de la pluie. Alors je mets les états d'âme de côté et je me bouge. Il y a les bons et les mauvais moments, je le savais, la roue tournera.

    Une vingtaine de minutes plus tard, je tends le pouce au bord d'une espèce de nationale à la sortie de Zadar. J'ai bien marché hier soir et, sans vraiment l'avoir calculé, je me suis très bien placé pour partir vite ce matin. Malheureusement, je ne reste posté qu'une dizaine de minutes avant qu'il ne se mette à pleuvoir. Comme prévu. Je rejoins alors la station service que j'aperçois plus loin pour m'y abriter. J'entreprends de demander aux conducteurs qui s'arrêtent ici s'ils peuvent m'embarquer, mais ce n'est définitivement pas mon mode de fonctionnement, comme expliqué dans le premier article... Je reste d'abord figé devant l'entrée de la station sans oser arrêter les gens. Après un travail sur moi de plusieurs minutes, je parviens à aborder 2 ou 3 personnes qui refusent sans la moindre hésitation, soit en mentant sur leur destination, soit sans même prendre la peine de se justifier. Je déteste mendier de l'aide, je déteste forcer la main aux gens, et je déteste être méprisé. Sans doute mon malaise n'incite-t-il pas les gens à considérer ma demande... Mais il est là et je n'y peux pas grand chose.

    Bref, je me contente de tendre le pouce comme je peux, le plus près possible de la sortie de la station service, tout en restant à l'abri. Et j'espère que la pluie me laissera quelques répits de temps en temps pour retourner à la route...

    Arrive un couple hollandais qui fait la même chose que moi. Ils essaient à leur tour d'aborder quelques conducteurs, en vain. A un moment, un type propose de nous faire payer pour monter avec lui, ce que nous refusons tour à tour.

    La pluie finit par diminuer et j'en profite pour me mettre au bord de la route. Une demi-heure plus tard, je décolle enfin de Zadar. On m'emmène une vingtaine de kilomètres plus loin seulement, mais psychologiquement, de quitter la ville de départ est déjà franchement encourageant. Je me retrouve devant un Lidl, l'emplacement est parfait pour permettre aux voitures de s'arrêter, mais il y a peut-être un peu trop de trafic avec les entrées et sorties du parking. Après avoir constaté que j'aurai du mal à être pris ici, je décide d'aller plus loin, quitte à prendre le risque de n'avoir aucun abri en cas de retour des grosses pluies... En clair, je prends le pari d'être en voiture avant que la pluie ne me piège.

    Pari perdu. Un quart d'heure plus tard, me voilà sous une grosse averse avec zéro abri en vue. Si, cette petite forêt qui pourra peut-être retenir quelques gouttes. Je m'y rue. Il va de soi que l'idée de finir trempé relève quasiment de la phobie pour un routard qui dort en tente et aura donc beaucoup de difficultés à sécher quoi que ce soit, y compris lui-même. Je me rue dans ce petit bois, disais-je, et me résous rapidement à la seule solution qu'il me reste : il est 14h et, à une vitesse inédite, je plante ma tente.

    A ce moment, le moral n'est pas à son beau fixe. M'enfermer dans une tente à 14h, tu parles d'une façon de voyager ! Et aucune idée de combien de temps je vais rester bloqué ici. Aussi bien jusqu'à demain... De toute façon, je le sais depuis ce matin, que je n'aime pas cette journée.

    Autant de pensées aussi encourageantes que constructives ! Mais on ne peut pas toujours être enthousiaste...

    Je passe 1h30 à lire dans ma tente, puis perçois soudainement une nette diminution du tapotement des gouttes de pluie. Je sors pour voir ce qu'il en est. Une mystérieuse zone de ciel bleu a décidé de se former juste au-dessus de ma tête. Il ne m'en fallait pas plus, je replie la tente en toute hâte et fais à ce moment un choix, certes insolite, mais qui se montrera très judicieux par la suite : je garde la couche étanche de ma tente à la main, je ne replie que le reste. Cette couche me servira de bâche dans laquelle m'enrouler en cas de pluie. Une fois prêt, j'hésite à retourner au Lidl pour avoir un abri ou à refaire le même pari et tendre le pouce ici. Ce sera la deuxième option.

    Pari gagné cette fois. On m'emmène encore quelques kilomètres plus loin, puis je continue de faire du stop, toujours sous la menace de la pluie. Les voitures défilent, défilent imperturbablement, et voilà que la menace s'exécute : c'est reparti pour une rincée ! J'ai à peine avancé, et me revoilà déjà bloqué. Ça m'énerve. Je décide que je ne céderai pas, j'attrape ma bâche improvisée et opte pour la solution à laquelle j'ai pensé précédemment : m'enrouler tout entier dedans et continuer de faire du stop, qu'il pleuve, qu'il vente ou que le monde s'écroule, tiens ! J'ai probablement l'air ridicule, mais pas autant qu'en m'asseyant à un abri-bus en regardant la pluie d'un air accusateur.

    Eh bien, croyez-le ou pas, c'est ce choix qui va sauver ma journée. Parce qu'à peine 3 voitures plus tard, un Van s'arrête, à l'intérieur duquel un Allemand m'annonce qu'il m'emmène jusqu'à Sibenik, soit la prochaine grande ville et l'objectif minimum que je m'étais plus ou moins fixé pour aujourd'hui. Alléluia !

    Imaginez simplement qu'au lieu de ça j'aie décidé de m'asseoir sous l'abri-bus en me disant qu'il ne s'agissait que d'une averse passagère... J'y serais encore ! Parce que je vous le dis, ce jour-là, elle n'a plus arrêté, la pluie. Si bien qu'au soir, je n'ai d'autre option que d'aller dormir dans une auberge de jeunesse de Sibenik. Rien de grave, j'étais de toute façon en avance sur mon budget. Et camper dans une ville à moitié inondée, bof... On a déjà vu le résultat il y a quelques jours à Venise !

     

    Jour 8 : Le jour 7 n'était qu'un échauffement

     

    Le temps n'est pas meilleur ce matin qu'hier. Il va falloir patienter et partir au premier faiblissement de la pluie. En attendant, j'ai la bonne idée d'aller acheter des pâtes et de me servir de la cuisine de l'auberge pour préparer le paquet entier : j'en aurai pour 3 repas ! Et puis je bouquine, encore.

    A 11h50, la pluie diminue. Je fonce.

    Sibenik est une assez grande ville et je marche donc près d'une demi-heure (à pas rapides) pour atteindre le sortie de la ville. Puis, le temps de bien me placer, je commence le stop à 12h30.

    Je commence à comprendre le fonctionnement de la météo ici. Des vagues de nuages arrivent de l'ouest, espacés par des trous de ciel bleu assez réguliers, comme hier, quand j'ai pu sortir de la tente. Je suis au début d'un de ces trous, je pense être tranquille pour une bonne heure avant la prochaine averse.

    Je suis bientôt pris par des Autrichiens (pour la 4ème fois alors que je ne suis pas passé en Autriche...), puis un type du coin très sympa qui me dépose à un carrefour. Je m'apprête à me placer pour continuer à faire du stop quand la pluie se manifeste de nouveau. Déjà. Exaspérant. J'entre dans ce bar mystérieusement planté là, à ce carrefour en dehors de toute ville. La fille parle peu anglais. Je lui demande si elle prend les euros, car oui, je ne vous ai pas encore dit ça, les Croates ont leur propre monnaie : la kuna. 1€ = 7,5 kunas. Elle me dit que oui, je commande une bière, je lui tends quelques euros, elle fait une tête bizarre... Elle n'a pas dû comprendre ma question sur les euros. Je me retrouve avec ma bière sans pouvoir la payer. La fille comprend que c'est elle qui m'a induit en erreur et m'offre la bière. Sympathique !

    Plus tard, je suis pris par une vieille voiture avec une remorque pleine de mandarines vertes. Le conducteur est un assez vieux paysan bosniaque qui vit ici. Drôle de personnage. Sa manière de parler ne laisse que deux diagnostics possibles : soit il s'agit de quelqu'un de nonchalant, un peu mou, qui aime prendre son temps, soit il a bu quelques verres de trop. Je ne saurai jamais ! Et s'il y a une chose à laquelle je ne m'attends pas en commençant à discuter avec cet homme-là, c'est de parler de voyage. Le voilà qui m'explique qu'il a vadrouillé dans toute l'Europe en stop quand il était jeune ! Toujours avec ce ton nonchalant et un débit mou, pour raconter des choses au contraire pleines de vie ; le tableau est assez drôle.

    Nous parlons, et puis il me dépose à un endroit étrange en m'assurant que c'est le mieux pour moi : au milieu d'embranchements de routes nationales voire d'autoroutes, je ne sais pas trop. Il m'explique qu'en longeant par là, je vais arriver à une station essence où je pourrai faire du stop. Il me laisse avec 6 ou 7 mandarines, je le regarde partir. J'ai le sourire, il ne m'en faut parfois pas plus que ce genre de rencontres insolites pour me mettre de bonne humeur pour la journée !

    Je suis ses instructions, je longe la route. C'est un peu dangereux et plus long qu'il ne le disait, mais j'arrive à cette station essence en une vingtaine de minutes. Il n'y a presque aucun passage, et je me demande pourquoi mon paysan bosniaque a trouvé si judicieux de m'envoyer ici... Mais une fois de plus, ça me fait sourire, même si ça ne règle rien. Je me résous à me placer à la sortie, au bout de la voie d'accélération, de sorte à ce que non seulement le peu de voitures qui sortent de la station puissent s'arrêter, mais aussi celles qui passent sur la grande route. Mais étant donné la vitesse où elles roulent, je ne suis pas arrivé. Je risque de rester là un bon moment.

    Au bout de 5 minutes, j'aperçois une voiture de police dans la station essence... Je n'ai bien sûr pas le droit d'être sur cette voie d'accélération. Ils vont m'emmerder, c'est sûr. Ma seule maigre chance, c'est que quelqu'un me prenne avant qu'ils ne sortent de la station. Bien maigre, ma chance.

    Et au moment où je me dis tout cela, à votre avis, qu'est-ce qui s'arrête sur mon bout de voie d'accélération foireux, au bord de cette impitoyable route à grande vitesse ? Pas une voiture, non, pas un Van, pas même un camping car. Non, tout simplement un semi-remorque ! Je n'en crois pas mes yeux, mais pas le temps de réfléchir, je grimpe et salue mon nouveau conducteur : un routier... bosniaque ! Ils se sont passés le mot pour me donner le sourire, les Bosniaques, ou quoi ?

    Toujours est-il que ce type me sauve de la police et d'un très mauvais emplacement pour le stop, pour me poser quelques kilomètres plus loin. En me faufilant encore dans les embranchements et rond-points, en m'arrêtant au passage sous un pont le temps d'une averse, je finis par atteindre l'entrée de l'autoroute qui continue vers le sud-est. Il est maintenant 18h30 environ et il est donc possible que je doive dormir par ici ce soir, mais cela ne devrait pas poser problème : je suis en dehors de la ville, il y a beaucoup de place, notamment un terrain vague qui fera parfaitement l'affaire.

    Sauf qu'en réalité, ça ne se passera pas du tout comme ça. Je fais du stop depuis une grosse demi-heure lorsque la pluie fait son retour. Petite pluie d'abord, mais je comprends très vite que le ton est en train de changer. En quelques dizaines de secondes, le débit devient torrentiel, un vent puissant se lève et il fait subitement très froid. Je cours me réfugier au plus proche : un petit parking abrité, devant un grand bâtiment que je devine être une entreprise. Je pose mon sac et observe le spectacle, c'est assez impressionnant. Pas sûr que mon terrain vague soit toujours prêt à m'accueillir après ça...

    En quelques minutes, je vois mon coin au sec réduire, progressivement, jusqu'à disparaître, et le parking se changer en rien d'autre qu'une grande flaque d'eau. Je n'ai à présent plus de place pour poser mon sac. Je me résous à entrer dans l'entreprise, espérant qu'on comprendra que j'aie besoin d'un abri jusqu'à ce que la tempête se calme.

    Je me mets à l'entrée. Quelques travailleurs passent et font comme si je n'étais pas là. Je comprends que je suis dans la société d'entretien des autoroutes et il semble que ce soit la fin de la journée de travail de certains d'entre eux. Je me dis que j'ai donc une chance pour que quelqu'un m'emmène en ville et que j'y trouve une auberge de jeunesse. Je questionne qui je peux... avec assez peu de réussite je dois dire ! D'abord un type me dit que lui n'a pas fini sa journée, et donc que je devrais plutôt m'adresser à ses collègues. J'essaie avec un autre, mais celui-là ne parle pas anglais. Quant à ma troisième tentative, elle est encore d'un autre registre puisque je tombe sur un bègue. Je ne sais pas si vous avez déjà essayé de discuter avec un Croate bègue en anglais, mais c'est un concept bigrement poussé, je vous le dis ! Je ne comprends donc pas grand chose à ce qu'il me répond, malgré sa probable bonne volonté. Mais les types de l'entreprise doivent discuter un peu de mon cas, si bien que l'un d'entre eux finit par me proposer de monter dans une camionnette qui part en service pour la nuit, de m'emmener jusqu'à un péage d'où une autre camionnette pourra ensuite m'embarquer jusqu'à la prochaine station service. Parfait ! Je pars sans doute pour une nuit blanche, bloqué à cette station, mais peu importe, je serai à l'abri et j'aurai à manger et à boire à portée de main (surtout à boire, car pour ce qui est de la nourriture, j'ai encore des pâtes de ce matin à l'auberge). Et puis, qui sait, peut-être que j'arriverai tout de même à trouver quelqu'un pour me conduire en ville ?

    Je me retrouve donc dans une de ces camionnettes d'entretien que l'on voit parfois rouler sur la bande d'arrêt d'urgence, annoncer des accidents, des travaux etc. avec 3 Croates à l'anglais très limité. On me transfère dans la seconde camionnette, puis me voilà sur l'aire d'autoroute prévue. Je tends le pouce comme je peux, mais le trafic est très faible et je ne peux pas bien me placer si je souhaite rester à l'abri. Peu après, la pluie commence à diminuer considérablement et s'arrête même par moments. Alors que j'ai accepté l'idée que je ne dormirai pas dans les prochaines heures, je me rends compte que je me suis peut-être résigné un peu vite. Car même si la pluie a été intense et d'assez longue durée, même si la station service est à moitié inondée, je ne suis pas allé explorer le reste de cette aire d'autoroute. Après tout, il se peut très bien qu'un coin herbeux un peu pentu soit encore exploitable pour une nuit de fortune...

    Bingo ! En contournant d'immenses flaques sur les parkings, je trouve dans le fond de l'aire d'autoroute une zone un peu bombée où l'eau ne s'est donc pas accumulée. J'y plante ma tente, sourire aux lèvre. A moi le sommeil !

    En m'endormant, je me fais la réflexion que je n'ai aucune idée d'où je suis, géographiquement...


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